Ce texte mesuré, intelligent, non polémique (aucune attaque ad-hominem) mérite d'être lu, apprécié et disséminé auprès de vos amis, réseaux et connaissances.
La nomination de Najat Vallaud-Belkacem rue de
Grenelle a fait bondir la droite hier soir. Pour Madeleine Bazin de Jessey,
cette arrivée témoigne de la dérive marketing de la politique .
Madeleine Bazin de Jessey est agrégée de Lettres
classiques et porte-parole de Sens Commun.
J'aurais aimé pouvoir me réjouir en apprenant la
nomination d'une femme, la première, au ministère de l'Éducation nationale.
Mais la désignation de Najat Vallaud-Belkacem sonne définitivement le glas des
espoirs que le corps enseignant pouvait placer dans un gouvernement qui
prétendait faire de l'Éducation sa priorité. C'est une véritable provocation à
l'égard de bien des Français.
Quel est en effet le sens de cette
nomination? À 36 ans, Najat Vallaud-Belkacem n'a jamais enseigné, ni développé
la moindre expertise en matière de pédagogie. Passée par le très symbolique ministère du droit des femmes, puis à la jeunesse et aux sports, elle n'a aucune expérience de la complexité d'un système mobilisant plus d'un million de professeurs et des centaines de milliers de personnels administratifs au service (du moins l'espère-t-on) de quelques 12 millions d'élèves et étudiants. Certes, Najat Vallaud-Belkacem, sourire aux lèvres, vend depuis deux ans avec un talent indéniable les éléments de langage du gouvernement. Mais le service de l'État dans ses missions régaliennes ne repose pas que sur des capacités de communication. Il n'est jusqu'ici venu à personne l'idée saugrenue de nommer au poste de PDG d'Areva le chef de produit de Spontex.
Il s'agit donc d'une nomination que l'on dira pudiquement «politique»: elle flatte le dernier groupe de soutien à peu près inaliénable à François Hollande, dont Najat Vallaud-Belkacem s'est occupée en qualité de secrétaire nationale du Parti socialiste chargée des questions de société et des droits des personnes LGBT, puis comme rapporteuse d'un projet d'évolution sur la loi de bioéthique (projet bien entendu favorable à la gestation pour autrui), et enfin en tant que chargée de la mission de lutte contre l'homophobie, avant de devenir la télévisuelle promotrice de la loi Taubira sur le mariage gay et de piloter la mise en œuvre de l‘expérimentation idéologique des «ABCD de l'égalité».
Ce pedigree chargé, à l'heure où 20% des élèves ne savent plus lire à l'entrée en 6ème, ne manquera pas de faire frémir tous ceux qui attendent que l'école remplisse avant tout une mission d'instruction. Rien n'est plus loin de l'esprit de cette nomination que la clairvoyante sagesse de Jules Ferry, dont on ne relira jamais assez la lettre envoyée aux instituteurs le 17 novembre 1883: «En matière d'éducation morale… vous n'avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier, comme à tous les honnêtes gens. (…) Si parfois, vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pouvez vous tenir: avant de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce que vous allez dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; si non parlez hardiment. Car ce que vous allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité. Si étroit que vous semble, peut-être, un cercle d'action ainsi tracé, restez en deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à la franchir: vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée, qu'est la conscience de l'enfant.»
De ce principe fondateur, qui a préservé pendant des décennies élèves et professeurs des dissensions idéologiques qui ont pu diviser la France, que reste-t-il aujourd'hui?
À force de faire des élèves les rats de laboratoire d'une vaste expérimentation idéologique, on ruine chaque jour davantage, non seulement la transmission, mais la dignité même du savoir. Le gouvernement Ayrault avait choisi de «s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités» et mener sa «réforme de civilisation» ; le gouvernement Valls persiste et signe.
Reste à savoir ce que fera la droite, qui a sa part de responsabilité dans l'orientation prise par l'Éducation nationale depuis plusieurs années. Saura-t-elle se ressaisir et proposer un autre projet éducatif, enraciné dans un retour au fondamentaux? La droite que nous voulons, la droite que nous attendons protègera l'École dans sa mission première: instruire.
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