Ecrit le 28 fév 2014 à 19:46 par Christian Vanneste dans Poing de vue
Le chômage n’est certes pas un sujet de plaisanterie. Le gouvernement parvient cependant à le faire passer de la tragédie pour ceux qui le subissent à la comédie pour ceux qui doivent commenter les pitoyables déclarations des ministres, le premier en tête, comme il se doit. On est d’abord chez Molière lorsque les médecins se penchent sur le malade et ne cessent de répéter : « le pacte de responsabilité, le pacte de responsabilité, vous dis-je », désignant le remède et non la cause de la maladie comme le faisait Toinette dans le Malade Imaginaire. Il est vrai qu’ici, ce sont plutôt les médecins qui sont malades. L’un d’entre eux, Vidalies, comme un personnage de Feydeau libéré de l’hypnose, vient de découvrir doctement qu’on ne pouvait voir diminuer le chômage qu’à partir de 1,5% de croissance. On se demande alors pourquoi le Président et ses ministres ont attendu l’inversion de la courbe comme d’autres attendent Godot sur la scène. 0,3 % de croissance sur l’année 2013 est meilleur que prévu et quasi inespéré. Ce n’était donc pas très lucide, ou honnête, ou compétent de faire semblant de
croire à l’inversion de la courbe. Celle-ci augmente en ligne droite au mois de Janvier avec une hausse de 0,3% et nous conduit à un record. Comme prévu, le chômage s’accroît chez les seniors et ne diminue plus chez les jeunes.
Avec la CGT qui rencontre le Medef, on retourne chez Molière. Le Medef serait Tartuffe. Il aurait joué les faux dévots en faisant croire à la sincérité de ses promesses d’embauches. Elles auraient séduit Orgon-Hollande prêt à se convertir au social-libéralisme et à annoncer ses dons à la nouvelle foi avec des baisses de charges. Seulement, le converti veut son indulgence plénière. Il veut des contreparties : les embauches promises. Et là, on passe chez Marivaux avec, au choix, la Méprise ou la Double Inconstance. La méprise porte sur la promesse du patronat. Bien sûr que l’une des clefs de la reprise et de la croissance réside dans la baisse des charges et du coût du travail pour rétablir notre compétitivité avec nos partenaires et concurrents européens, à commencer par L’Allemagne. Pour les emplois, il ne s’agit pas d’une promesse, mais de l’anticipation d’une conséquence macro-économique, comme on aurait dû l’obtenir depuis des années avec la TVA sociale. L’idée de la mettre en oeuvre sous le contrôle de contreparties précises est absurde car le besoin de main d’oeuvre dépendra d’autres facteurs : le marché, la concurrence, la productivité. Pour certaines entreprises, il sera préférable d’investir plutôt que d’embaucher. De plus, l’idée de contreparties chiffrées évoque une défiance et une lourdeur administrative typiquement socialistes et contre-productives. Le patronat avait parlé de charges, mais il entend logiquement parler aujourd’hui de marges. Le gouvernement avait lancé le Crédit d’Impôts Compétitivité Emploi. Il change aujourd’hui son fusil d’épaule. Il ajoute aux 20 milliards du CICE, une diminution des charges correspondant au financement des Allocations Familiales. Il en attend 300 000 emplois sur cinq ans alors que le nombre des demandeurs d’emplois est de 3,3 millions. Il ne sait pas encore comment financer les 50 milliards de recettes qui manqueront, notamment pour financer la politique familiale. L’Europe s’inquiète à juste titre de l’incapacité dans laquelle se trouve la France de rétablir ses équilibres financiers suivant le plan annoncé. Une politique inconstante et imprévisible n’est jamais bonne.
La palme du théâtral revient toutefois à Michel Sapin qui parle d’un effort considérable et à Jean-Marc Ayrault qui évoque une bataille où il faut persévérer sans faiblir. On les imagine sur la scène aux prises avec le monstre ou tentant de vaincre une matière qui résiste. Malheureusement pour eux, la solution se trouve ailleurs que dans les erreurs dans lesquelles il ne faudrait justement pas persévérer, ailleurs que dans leur gesticulation sans effet, ailleurs que dans une France que leur politique a continué d’asphyxier et de paralyser davantage encore. Elle se trouve au pays de Shakespeare qui frôle les 7% chômeurs et tangente les 2% de croissance. Les recettes ? Un coût du travail nettement inférieur, une fiscalité attractive, une grande souplesse de l’emploi et de la création d’entreprises, une réduction drastique de la dépense publique, et cerise sur le gâteau, une monnaie à soi plutôt qu’un sous-mark appelé euro et dont nous n’avons pas les moyens. Bien sûr, nos échanges avec le Royaume-Uni contribueront à notre reprise. C’est sans doute ce à quoi, tout transpirant d’ardeur, travaillent M. Ayrault et son équipe. Tandis qu’en France on jouait la Comédie des Erreurs, en Angleterre, on apprivoisait la Mégère, le chômage. Tous les rôles des pièces citées sont tenus évidemment par des intermittents du spectacle.
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