Dimanche soir, ils voudront le nommer sans attendre. Le nouveau gouvernement ? Non, le bouc émissaire. Parce que la défaite ne saurait se justifier par la vacuité présidentielle, que les élus déchus préfèrent le mensonge à l’introspection, que le socle électoral du PS ne se ressoudera qu’autour d’un ennemi à la cause, le responsable de la défaite doit être désigné hic et nunc. Et ce coupable à guillotiner en place médiatique, on l’imagine déjà, gros comme un déficit public : ce sera Bruxelles, ou plutôt la ligne politique imposée à l’Elysée par la « commission libérale ».
Avant même le tsunami du 23 mars, Arnaud Montebourg avait prévenu : la montée du Front national ? C’est la faute à l’Europe ! Depuis, la majorité est prête à entonner le « Ah, ça ira »
de son aile gauche. Elle brûle de piétiner ce pacte totem de la politique de l’offre. Elle rêve de liquider cette rigueur budgétaire en forme d’oukase des « ayatollahs bruxellois ». Et de tordre le cou à ce tournant social-démocrate jamais digéré.
Mais où serait donc la France sans Bruxelles ? Il faut oser le dire dans un pays au bord de la perdition : la contrainte européenne est une nécessité et un bienfait. Sans elle, pas de courage ni de résolution, mais la procrastination et l’irresponsabilité. Sans elle, pas de réformes, mais la faillite de notre modèle. Sans elle, pas de mesures de redressement, mais le statu quo source de souffrance sociale accrue. Sans elle, pas de reprise en main de notre destin, mais une souveraineté à coup sûr perdue pour toujours. Après l’échec annoncé du second tour, il reviendra au chef de l’Etat de rappeler ces évidences. Et d’enjamber la démagogie de son propre camp.
Rémi Godeau
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