C’est une bombe à retardement comme notre pays s’est fait une spécialité d’en fabriquer, une modification majeure dans le système de retraite à la française : la création d’un « compte pénibilité ».
Sur le papier, rien ne saurait être plus politiquement correct puisqu’il s’agit de faire en sorte que ceux qui exercent des métiers pénibles travaillent moins longtemps. Une magnifique occasion d’en appeler à la justice sociale. Malheureusement, entre bonnes intentions et réalisme, il y a un gouffre. Ce « compte pénibilité » est en effet apparu dans la négociation
autour de la soi-disant réforme des retraites mise en place par François Hollande. Pour transformer une simple réformette en triomphe politico-social, il fallait capter la signature d’un syndicat au moins et donc promettre un nouvel avantage : ce sera la pénibilité, qui permettra à certains de cesser plus tôt de travailler, là où toutes les réformes, dans le monde entier, visent au contraire à retarder l’âge de la retraite.
Le résultat est à la mesure de cette aberration : alors qu’il y avait déjà un dispositif de prise en compte des effets de la pénibilité sur la santé des salariés, de nouvelles dépenses et de nouvelles cotisations sociales vont être créées, au moment où tout doit être fait pour au contraire alléger le coût du travail. Plus grave : l’ensemble de la réforme, son déséquilibre plus ou moins prononcé, dépendra des décrets d’application qui seront pris dans le secret d’un ministère.
Et bien entendu, cette nouvelle usine à gaz se traduira par des dizaines de pages supplémentaires dans le Code du travail. Avec un peu d’application, on finira par faire entrer dans la catégorie des travaux pénibles le maniement de ces milliers de pages et les risques physiques que tout bon DRH encourt. La boucle kafkaïenne aura alors été bouclée.
Nicolas Beytout
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