FIGAROVOX - Irina de Chikoff trace pour FigaroVox le portrait d'une figure qui fait l'actualité. Cette semaine Manuel Valls, le ministre de l'intérieur.
Sous le portrait de Georges Clemenceau, son modèle, le Ministre de l'Intérieur, sourcils froncés, médite. Tous les médias sont aux basques de la Garde des Sceaux, ce qui ne le chagrine pas outre mesure mais il se demande si lui-même ne va pas subir le même harcèlement. Il s'y prépare.
Manuel Valls avait pris son air de premier communiant pour affirmer sur RTL qu'il n'a découvert l'affaire des écoutes deNicolas Sarkozy que le 7 mars, par la presse. Personne ne l'a cru. Ce n'est pas le problème. Il y a eu aussi des sourires dubitatifs quand il avait
versé des larmes sur les malheurs de DSK ou lorsqu'il a nié avoir eu la moindre information sur le compte en suisse de Jérôme Cahuzac. Le déni est une stratégie comme une autre. L'essentiel est de s'y tenir.
Manuel est bien décidé à ne pas commettre l'erreur du ministre de la Justice, il ne démordra pas de sa ligne et ne brandira aucun document. Qu'ils aboient les chiens! La caravane passe. Et le temps aussi.
Patience. Patience. Bon, c'est vrai, la patience n'est pas la première qualité du Ministre de l'Intérieur. Il aurait même une nette tendance à monter sur ses grands chevaux, distribuer les coups de menton mussoliniens et fustiger les infâmes qui osent mettre en danger la République avec leurs manifestations pour tous ou leur honteuse histoire de quenelle.
A la moindre menace, tel un torero, Manuel Valls cambre les reins, enflamme ses yeux de braise et entre dans l'arène, fier comme pou sur gale. On voit bien qu'il ne connait ni maître, ni Dieu et que le toro bravo, il va en faire de la chair à saucisse. Sur les gradins, les aficionados déjà se pâment. Coté cour comme coté jardin. Car Manuel sait jouer de la muleta. Une véronique à droite, une autre à gauche. Une passe sur la sécurité, une autre sur l'antiracisme. Olé!
La politique et l'art de la corrida n'ont pas les mêmes règles austères. Peu importe. Il s'agit toujours d'emporter les suffrages de la foule. Manuel Valls était encore tout minot quand il a adhéré au PS. Pas pour faire de la figuration. Etudiant en histoire, il décrochera une licence, il se voyait déjà Président de la République et pestait parce que sa naturalisation - il est né en 1962 à Barcelone - traînait en longueur.
Impulsif, voire impétueux, Manuel Valls n'aime guère donner du temps au temps. Il préfère le dévorer. A belles dents. Il les a longues. Ce qui n'est pas un défaut quand on vise haut.
Les modestes n'arrivent jamais à grand-chose. Les timorés non plus. Et la gauche «ploum ploum» des ringards du socialisme de grand papa, était pour lui une machine à rater son siècle. Avec ses amis Alain Bauer et Stephane Fouks, Manuel Valls formait un trio de jeunes loups rocardiens, tendance prussiens, c'est-à-dire, qu'ils se piquaient d'être méthodiques pour aller droit au but. Comme Rastignac.
A moi Evry! Manuel a conquis la mairie de la ville nouvelle. A moi l'Essonne! Il en est devenu député. A moi Lionel Jospin, Ségolène Royal, François Hollande, à défaut de DSK! Bien lui en a pris. Manuel Valls comme Clemenceau est devenu < premier flic de France>. Ce n'est pas rien. On peut saluer l'artiste. Et tout porte à croire que son ascension balzacienne de s'arrêtera pas à la Place Beauvau. Malgré l'affaire des écoutes?
Vous plaisantez! Comment le Ministre de l'Intérieur aurait il pu savoir que l'ancien chef de l'Etat était écouté depuis près de onze mois par des policiers? Comment aurait il pu deviner que l'actuel Président baguenaudait, à la nuit tombée, en scooter dans les rues de Paris? Ce ne sont pas ses oignons. Il a d'autres sujets de préoccupations. Autrement plus importants. Dire un gros mot àPierre Lellouche par exemple. Ou rabattre son caquet à Claude Goasguen devant l'Assemblée nationale.
Dans Lettrines, Julien Gracq reprochait au Tigre une personnalité «aux arêtes tranchantes comme une lame» et déplorait son «agressivité pure, gratuite, incongrue».
Vous avez dit incongrue? L'agressivité est la preuve d'un tempérament, un peu chaud, certes mais comme l'affirmait Georges Clemenceau «quand on a l'honneur d'être vivant, on s'exprime.»
Manuel Valls est toujours prêt à dégainer, s'indigner, pourfendre les méchants, leur donner l'estocade. Et en plus, il est bon camarade. Jamais il ne dénoncerait les siens. C'est également une question d'honneur. Et de survie. Quand on aspire à diriger la comédie humaine.
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