Par Yves Montenay
Par Yves Montenay.
Face à la Russie, l’Ukraine évoque son histoire et sa géographie. Elle a raison, mais pourquoi ne pas faire de même avec la Crimée ?
Un peu d’histoire et de géographie humaine
La Crimée a longtemps fait partie de l’Empire ottoman et était peuplée de Tatars, ayant leur langue, une variante du turc, et leur religion, l’islam. Elle a été conquise par l’empire russe. À l’époque soviétique, elle a été rattachée à la Russie, et le pouvoir central y a été violent comme ailleurs.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Tatars ont accueilli favorablement les Allemands qui les « délivraient ». Au retour des troupes soviétiques, Staline les a punis en les déportant et ils ont été
remplacés par des Russes, la Crimée étant rattachée à la « République socialiste soviétique de Russie » et non à l’Ukraine. Beaucoup plus tard, les Tatars ont été « pardonnés » et une partie d’entre eux est revenue en Crimée.
Cette dernière est maintenant peuplée majoritairement de Russes avec une forte minorité tatare et une minorité plus faible d’Ukrainiens. Entre-temps, Khrouchtchev, pour des raisons que j’ignore, avait fait cadeau de la Crimée à l’Ukraine, peut-être pour y augmenter le pourcentage de population russe, qui était déjà important dans la partie est du pays.
À ce stade, retenons que les habitants de la Crimée ne sont pas ukrainiens et n’ont jamais choisi de faire partie de ce pays. Mais Poutine n’utilise pas l’argument de « la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes », qui pourrait se retourner ailleurs contre lui et préfère la force.
Le problème de l’Ukraine
On sait que ce pays comprend d’une part un Ouest pro-européen, qui a longtemps été polonais et autrichien, et dont une part de la population suit une église orthodoxe rattachée à Rome et non à Moscou, bref il est relativement « occidentalisé » (je simplifie). D’autre part et a contrario, l’Est comprend beaucoup de russophones, mais qui n’y sont pas majoritaires contrairement à ce qui est souvent avancé, suit une église orthodoxe rattachée à Moscou et a une économie liée à la Russie.
Rappelons que la période soviétique a entraîné la mort de millions de familles ukrainiennes par la répression et une famine organisée, et que la Russie y est donc mal vue, y compris par certains russophones. Mais la Russie est le pays voisin, militairement puissant, qui se souvient par ailleurs que l’Ukraine a été son berceau à une époque où le reste du pays était sous domination mongole (dont les Tatars étaient parents). Enfin, la Russie fournit son gaz à l’Ukraine à prix bas, mais en a aussi besoin pour le passage de ses gazoducs vers l’Europe. Elle va diminuer cette dépendance en terminant un gazoduc passant par la mer du Nord.
Bref, l’Ukraine semble avoir une réaction nationaliste injustifiée en s’accrochant à une Crimée qui ne lui apporte que des problèmes, dont la gestion de populations russes et tatares. Autant marchander son retour à la Russie en échange de quelque chose avant de se la voir arracher.
Les autres Crimée
Bien des pays se compliquent la vie pour garder de vieilles frontières qui ne leur apportent que des problèmes. N’évoquons pas la question israélo-palestinienne, particulièrement compliquée, mais on peut penser à Bruxelles pour la Flandre qui s’obstine à réclamer cette ville francophone sous prétexte que « sa terre est flamande », les nombreuses minorités de l’Asie centrale qui seraient mieux situées dans le pays d’à côté, la Birmanie et ses régions non birmanes, la Chine et ses terres musulmanes et tibétaines, la Russie et les peuples caucasiens, l’Iran et ses peuples non perses, le cas kurde, etc.
Bref, pourquoi maintenir de force, dans un pays, des peuples qui n’ont jamais demandé à en faire partie et ont souvent une langue et une religion différente ? En général, les pays en question ont d’immenses problèmes économiques et culturels et ont beaucoup mieux à faire que de réprimer une partie de leur population.
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