Gabriel Lévy
4 septembre
2014
Devons-nous accorder une implication
psychanalytique au discours incontestablement réussi de Monsieur Vals
devant ses camarades socialistes ? S’il s’agit effectivement d’un acte
manqué, nous nous garderons bien de rechercher la distinction entre acte
symptomatique, acte perturbé, acte inhibé. Mais il serait grave pour le
pays que ce discours, un temps perturbé, soit définitivement inhibé.
Car avec 30 ans de retard, les socialistes français
consentent à réviser leurs utopies centenaires. Il ne nous a pas échappé que,
ce faisant, le discours est voisin de celui de la droite lors des élections
présidentielles de 2007 ; il ne nous a pas échappé non plus que, comme en 2007,
il y a loin de la coupe aux lèvres.
Le premier ministre connaissait probablement l’adage selon
lequel : « il ne faut pas laisser sa volonté gronder, quand son
pouvoir ne peut que murmurer ». Nous verrons vite s’il a eu raison de gronder,
en venant à bout des « frondeurs », pour lesquels la perspective de
la dissolution est le début de la sagesse. Tel est le pronostic de M. Alain
Juppé, estimant, en connaisseur, que ces quelques députés ne sont pas assez
« fous » pour la souhaiter.
Avec ce discours réussi, Monsieur Vals pourra méditer,
s’agissant de ses amis politiques, la réflexion de
Kierkegaard : « le
tragique, c’est quand deux personnes qui s’aiment ne se comprennent pas »,
et s’agissant de l’opposition, « le comique, c’est quand deux personnes
qui ne s’aiment pas se comprennent ».
Les « frondeurs », entrés dans le rang, il lui
faudra affronter ses ayatollahs, ceux qui, par des lois sociétales, divisent la
nation au moment où elle a le plus besoin d’être unie, ceux qui estiment
que la prison n’est pas une solution à la délinquance, mais qui la juge
pertinente quand elle censure précisément les impertinents à l’égard du
pouvoir. Ainsi en est-il du dessinateur Miège, récemment mis en examen pour un
dessin, ce qui est aussi inquiétant que la prétention d’un magistrat du XVII °
siècle qui s’exclamait : « donnez moi six lignes de l’écriture
d’un homme et je me charge de le faire pendre ». M. Vals devra se
rappeler qu’on est responsable de ses amis, surtout lorsqu’ils ont balayé les
sentiers de sa gloire.
Mais surtout, il faudra affronter la rue, parce
qu’elle sera envahie par tous ceux qui sont mécontents de tout : de la
retraite à 62 ans, des cadeaux aux entreprises, de l’insuffisance de logements,
des difficultés de la scolarisation, des discriminations, peut-être de la
guerre à Gaza, en se consolant toutefois du fait que celles plus fréquentes, en
Syrie, en Irak, en Libye, en Ukraine, ne donnent pas lieu aux mêmes
manifestations.
Des travaux d’Hercule pour lesquels tant d’hommes politiques
se préparent à succéder à M. Hollande (seul M. Juppé l’avoue pour le moment).
Evidemment, « pourquoi nous retirer et abandonner la partie quand il
nous reste tant d’êtres à décevoir ? » (in Syllogismes de
l’amertume. Emil Cioran).
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