Chassez le naturel… On croyait l’Elysée persuadé de la nécessité de redorer l’attractivité du site France, démolie par l’étouffoir fiscal et l’obsession réglementaire. On espérait le gouvernement désormais tout acquis à la cause des chefs d’entreprise, trop longtemps ostracisés, soupçonnés, ponctionnés. On pensait même Bercy enfin uni autour de la ligne social-démocrate probusiness définie par le chef de l’Etat.
Mais voilà que l’ahurissante offensive d’Arnaud Montebourg sur la vente de SFR jette le trouble sur la réalité de la conversion d’un président habitué au double langage, sur la sincérité de sa « neutralité vigilante » de fait devenue partialité malveillante. L’arbitraire
public le dispute au patriotisme cynique, l’interférence à l’interventionnisme, l’idéologie à la démagogie.
A l’étranger, les investisseurs raillent ces « singeries » bien françaises. Dans quel autre pays un ministre pourrait-il s’immiscer avec autant d’aplomb dans une opération entre groupes privés, sans hésiter à court-circuiter le vendeur, à dauber sur les financeurs, à dénigrer le repreneur, à exprimer ses « préférences politiques » ? Dans quel autre pays, une fois désavoué, l’exécutif pourrait annoncer être prêt à utiliser l’argent des contribuables, en l’occurrence celui de la Caisse des dépôts, pour « accompagner » une offre alternative, une manière de marquer son soutien au perdant ?
Certes, cette fureur étatique doit être relativisée : pareils moulinets ont déjà montré, par le passé, leur inefficacité. Elle n’en demeure pas moins nocive parce qu’elle mine la confiance et abîme l’image de la France. En avons-nous encore les moyens ?
Rémi Godeau