On raconte que Martine Aubry, prenant la succession de François Hollande à la tête du PS qu’il avait dirigé dix ans durant, s’était indignée de l’état de délabrement dans lequel elle avait trouvé le parti : « Même les toilettes étaient en panne », aurait-elle dénoncé. Aujourd’hui, c’est sa majorité tout entière que le président de la République retrouve en piteux état, sonnée après un dimanche électoral ravageur, et inquiète de ce qui se profile encore devant elle : un deuxième tour difficile, puis des européennes potentiellement dévastatrices.
François Hollande doit donc réagir. Pourtant, son équation est quasiment impossible : il aurait besoin de temps pour, ayant changé de politique, obtenir quelque résultat ; mais il
n’en a pas et ses électeurs le lâchent. Il aurait besoin de répit pour, ayant tardé à mettre en place la rigueur budgétaire, convaincre Bruxelles que le redressement est là ; mais il n’en a pas et les Européens ne nous croient plus. Il aurait besoin d’un délai pour, ayant perdu l’opinion publique, reprendre la main en politique ; mais il n’en a pas, sa majorité doute, son gouvernement agonise et sa popularité s’enlise. Ce temps, qu’il a laissé filer depuis vingt-deux mois en menant une politique d’assommoir fiscal et de laxisme budgétaire, ce temps est aujourd’hui devenu son principal adversaire.
Les hagiographes de François Hollande aiment représenter le président de la République comme un digne héritier de Mitterrand, sorte de fils spirituel, légataire de son savoir-faire mais aussi de son cynisme. Habile, l’actuel chef de l’Etat l’a été assurément pour se faire élire il y a près de deux ans. Mais aujourd’hui, le voilà désemparé, comme piégé par sa propre inaction, incapable, lui, de « donner du temps au temps ».
Nicolas Beytout