dimanche 9 mars 2014

Ressentiment et amour de la réussite


6 MARS 2014 par MILLIERE GUY dans POLITIQUESOCIÉTÉ avec 6 COMMENTAIRES
J’ai dans ma bibliothèque un livre écrit par un homme que j’ai bien connu autrefois, Robert Sheaffer. Je n’ai pas revu l’homme depuis longtemps, mais le livre traverse souvent mon esprit et je ne peux alors m’empêcher de revenir vers lui pour en relire quelques pages.
Le livre s’appelle « Resentment vs Achievement » (le ressentiment contre la réussite). Il n’ex­iste qu’en anglais. J’ai envisagé de le traduire, puis j’ai renoncé, faute d’éditeur. Le livre explique en détail que deux valeurs essentielles structurent les civilisations et sont en lutte constante l’une avec l’autre.
La première, le ressentiment, repose sur ce que d’autres, tels Helmut Schoeck ont appelé l’envie. Elle conduit à jalouser ce que d’autres ont obtenu par leur travail et leur créativité, à ignorer les relations de cause à effet qui permettent la création de richesse, et à choisir la prédation plutôt que la production.
Elle existe partout sur terre, dans toutes les sociétés, mais, si elle vient à prédominer dans une société donnée, ce qui en résulte est la destruction, la violence, la disparition de la liberté, quelquefois la guerre.
La deuxième, l’amour de la réussite, se situe à l’opposé. Elle conduit à discerner que, si d’autres ont obtenu, par leur
travail et leur créativité, ce qu’on n’a pas, cela signifie qu’en travaillant et en créant, on pourra y arriver aussi.
Elle conduit aussi à tenter de déchiffrer les relations de cause à effet qui permettent la création de richesse. Elle conduit enfin à choisir la production et à combattre la prédation sous toutes ses formes.
Le communisme et le socialisme, tout comme le nazisme et le fascisme, sont des doctrines qui reposent sur le ressentiment. Elles ont conduit, partout où elles se sont emparées du pouvoir, aux résultats qu’on sait. Nazisme et fascisme ont conduit à une guerre mondiale, à des massacres, à un génocide qui reste une tache immense et indélébile au cœur de l’histoire européenne. Le communisme a conduit au goulag en Russie soviétique, au laogai en Chine, à des régimes tels que celui qui perdure en Corée du Nord ou tel que celui qui survit à Cuba.
Ce que Michael Novak a appelé le « capitalisme démocratique » n’est pas une doctrine, mais un accomplissement qui repose sur la liberté d’entreprendre, la liberté de parole et de pensée, les droits naturels de l’être humain et des institutions garantissant ces droits dans la durée, mais aussi, de manière fondamentale, sur l’amour de la réussite et la transmission de celui-ci de génération en génération.
Le capitalisme démocratique a fait la prospérité des États-Unis et du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, du Japon depuis les années 1950, de la Corée du Sud, de quelques autres pays sur la planète. Il a permis le redressement de l’Europe occidentale après la Deuxième guerre mondiale, et celui de divers pays d’Europe centrale après la chute de l’empire soviétique.
La persistance des idées communistes et socialistes dans divers pays européens, dont la France, constitue une menace pour le futur proche, et cette menace me semble insuffisamment soulignée.
Elle constitue une persistance du ressentiment. L’extrême gauche fait partie intégrante de la menace, mais l’extrême droite en fait, elle aussi, partie, tout comme une part importante des mouvements socialistes (y compris ceux qui se réclament de la social-démocratie) et, cela doit être dit, des fragments des partis européens de centre droit ne sont pas indemnes.
Ce qui signifie que le ressentiment est très disséminé, et pourrait, s’il n’est pas combattu, conduire l’Europe à sa perte.
La montée de courants ressentimentaux aux États-Unis, accélérée par Barack Obama, mais commencée bien avant lui, dans la « contre-culture » des années 1960, ne peut que susciter des inquiétudes très vives pour l’avenir.
Une victoire généralisée du ressentiment dans le monde occidental signifierait l’entrée de la planète dans des temps obscurs, rudes, misérables, brutaux. Il m’arrive de songer que nous n’en sommes pas loin.
Guy Millière

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