Par "Contrepoints"
Par Bernard Marois.
Il ne s’agit pas de climatologie, bien que l’on n’ait pas connu un mois de janvier aussi doux depuis plus d’un siècle, mais d’économie internationale. La fin de l’année 2013 avait vu quelques signes positifs dans la conjoncture mondiale : la situation américaine se redressait plus vite que prévu (croissance estimée de 3,2% en 2014) ; le Japon sortait de la déflation, grâce au programme « Abe » ; la zone euro pouvait envisager de meilleurs jours, grâce au « rebond » espagnol et à la bonne santé de l’économie allemande ; même le Royaume-Uni se mettait à rêver à des taux de croissance supérieurs à 2%.
Et puis les statistiques de janvier sont venues plomber l’atmosphère. Tout d’abord, plusieurs pays
émergents ont commencé à montrer des signes de faiblesse patents1 : l’Argentine a dû laisser sa monnaie se déprécier pour éviter le pire ; l’Inde et la Turquie ont dû porter leurs taux d’intérêt à des niveaux élevés pour combattre une inflation en hausse forte ; la Chine continue à ralentir, alors que le Brésil a du mal à rétablir ses équilibres ; l’Afrique du Sud et l’Indonésie commencent à souffrir. Même les États-Unis sont touchés par cette vague de pessimisme : certes le chômage recule (6,6% de la population active), mais peu de nouveaux emplois sont créés, malgré la faiblesse du dollar, qui avantage les exportateurs américains.
Dans la zone euro, les choses se compliquent. Ainsi, le chômage a commencé à ré-augmenter en Espagne ; la Grèce et le Portugal continuent à afficher des chiffres de croissance négatifs. Bien que les taux d’intérêt nominaux restent très bas, ce qui atténue les effets d’un endettement trop élevé, la désinflation qui se poursuit, se traduit par une hausse des taux d’intérêt réels.
Globalement, la zone euro est en train de basculer dans la déflation. Les pays qui la composent se battent pour gagner des parts de marché dans le commerce intra-zone, mais il s’agit d’un jeu à somme nulle ; les gains des uns se traduisant par les pertes des autres, avec le risque d’une surenchère « protectionniste » néfaste à tous. En ce qui concerne le commerce extra-zone, il souffre à la fois du ralentissement des pays émergents et de la force excessive de l’euro, qui se maintient au-dessus de 1,35 dollar, alors que « la bataille des monnaies » bat son plein. Quant aux autres leviers de la croissance, l’investissement2 et la consommation, ils fonctionnent au ralenti dans la plupart des États de la zone.
Une fois encore, les prévisions concernant la France sont alarmantes : moins de 1% de croissance, ce qui est insuffisant pour arrêter la hausse du chômage ; les marges des entreprises au plus bas (dans l’industrie, elles ont baissé de 60% depuis 2000) ; des coûts de production supérieurs à tous les autres pays de la zone, y compris l’Allemagne3 ; un taux de prélèvement supérieur à 47% du PIB (10 points au-dessus de la moyenne des principaux pays industrialisés) ; un taux de dépenses publiques de 56% minimum, record historique (il atteignait seulement 35% en 1960 !). Ces chiffres affligeants sont relativement connus. Par contre, l’opinion publique ignore largement ceux, plus discrets, relatifs à la situation « extérieure » de la France.
Passons rapidement sur l’état de la balance commerciale, dont le déficit continue à dépasser les 3% du PIB depuis plus de 3 ans (environ 60 milliards d’euros par an). Cette fuite de capitaux est un peu atténuée par les rentrées liées au tourisme et à l’exportation de services, mais la balance « courante » demeure négative, avec un déficit cumulé de 250 milliards depuis 2000.
Pire encore, le déficit de la balance des investissements étrangers (différence entre les investissements étrangers en France et les investissements français à l’étranger) tend à s’accroître, année après année. Le premier poste se détériore : 38 milliards en 2011 ; 25 milliards en 2012 et 5,7 milliards en 2013. En effet, les entreprises étrangères hésitent de plus en plus à investir en France (l’indice global de compétitivité de la France a encore chuté ; celle-ci se situe désormais à la 23e place mondiale, en 2013, selon le World Economic Forum de Davos).
Quant aux investissements français à l’étranger, ils augmentent, en raison de la mondialisation. Cela devrait conduire4 à une augmentation des retours de dividendes vers la France ; mais ce n’est pas le cas, compte tenu de la fiscalité confiscatoire (taux d’impôt sur les sociétés de 38% !). Le résultat final de cette analyse, c’est que le déficit de notre balance des paiements (biens, services et investissements directs) cumulé sur 13 ans (depuis 2000) s’élève à plus de 800 milliards d’euros. Le chiffre est bien entendu à rapprocher de notre endettement public égal à plus de 2 000 milliards5.
Il n’y a d’ailleurs aucune raison objective pour que ces chiffres s’améliorent. Nous nous dirigeons rapidement vers un taux d’endettement de 100% du PIB, qui peut être considéré comme le probable déclencheur d’un nouvel abaissement de la note de la France et, parallèlement, d’une hausse de la marge de risque qu’exigeront nos créanciers et donc de nos taux d’intérêt réels.
Le Printemps sera chaud !
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