François Hollande et Manuel Valls réunissent ce lundi les préfets, plusieurs ministres et représentants de collectivités locales pour "les mobiliser sur la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité" et impulser la politique en faveur de l'emploi trois jours après la publication des derniers chiffres du chômage.
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Atlantico : Pour la grande réunion sur l'emploi qui se tient ce lundi à la Maison de la Chimie, François Hollande et Manuel Valls ont convoqué les préfets, ainsi que quelques représentants de collectivités locales, pour réaffirmer une volonté d'action. Est-ce une réunion pour l'emploi sans créateurs d'emplois ? Qui auraient-ils dû inviter pour que cette rencontre ait une quelconque utilité ?
Nicolas Goetzmann : La réunion prévue à la Maison de la Chimie me semble plus relever de la communication que de l’action. La réunion des préfets, des sous-préfets, des directions régionales d’entreprises etc…a pour objectif de montrer « face caméra » que le politique peut agir et qu’il existe des relais « sur le terrain ». L’objectif est également de communiquer encore sur le pacte de responsabilité à la veille du vote « consultatif » à l’assemblée, auquel doit faire face Manuel Valls.
Une politique de l’emploi est avant tout une question macroéconomique, et relève de ce fait de l’orientation
économique européenne. Pour être véritablement efficace, il s’agit donc de proposer une alternative, au lieu de se plaindre. Pour le moment, la seule proposition a été de « réorienter l’Europe ». Les mots, c’est bien, mais il pourrait être utile d’étayer tout cela par quelques mesures concrètes. Une réunion de chefs d’Etats européens, avec des propositions claires, aurait en effet un peu plus de chances d’aboutir à quelque chose de concret que ce qui nous est proposé ici.
Michel Godet : Il y a des endroits en France où le chômage est autour de 6%. Il aurait donc fallu inviter les acteurs de terrain de ces régions – qu'ils soient politiques ou économiques –pour qu'ils fassent partager leur expérience. Il suffit de regarder des villes comme Vitré où le chômage est à 6% avec 42% d'emplois industriels, comme Chartres où la ville se développe et les impôts locaux baissent depuis dix ans, comme Rodez, ou encore le département du Cantal ou de l'Ain, et une partie de l'ouest de la France qui sont parmi les territoires qui obtiennent les meilleurs résultats sur les questions de l'emploi. . Et cela n'a, au passage, rien à voir avec la droite ou la gauche. A Dijon par exemple, le groupe IDEES est une entreprise d’insertion adhérente au MEDEF dirigée par un militant de gauche qui réinsère des chômeurs de longue durée dans l’emploi marchand à moindre coût pour la collectivité : on investit 6000€ et cela rapporte deux fois plus à la collectivité en charges par l’insertion dans les deux années qui suivent.
Denis Payre : En France, les créateurs d'emplois sont avant tout les dirigeants de PME, de TPE, des artisans, des commerçants. Ils connaissent les freins à l'embauche et les difficultés qui les asphyxient quotidiennement : droit du travail inadapté, sur-administration et sur-fiscalité. Le président de la République et le Premier ministre ont semblé montré des signes encourageants depuis le début de l'année pour les entrepreneurs. ; des signes qui devaient néanmoins être plus forts. Cette réunion nous prouve malheureusement que les gouvernements restent dans une approche technocratique, étatiste des choses. Pour mettre en oeuvre des solutions efficaces et rapides pour créer de l'emploi il faut évidemment organiser un rendez-vous avec les créateurs d'emplois ! Ce ne sont ni les préfets ni les maires qui pourront donner des orientations concrètes. Sans remettre en cause leurs compétences, les représentants de l'Etat sont, de par leur formation et leur quotidien, incapables de proposer des mesures simples et efficaces. Le Président et le Premier ministre se doivent de réagir car cela est une évidence ; les principaux créateurs d'emplois doivent être entendus en priorité sur le thème de la création d'emplois ! Les artisans, les commerçants, les chefs de petites et moyennes entreprises n'ont qu'une obsession : sauver leur entreprise pour sauver les emplois de leurs salariés et développer leur activité pour embaucher, écoutons-les !
Lorsque le gouvernement invite les "entrepreneurs", c'est le plus souvent le MEDEF qui fait office d'interlocuteur. Sont-ils les mieux placés pour parler des problèmes structurels du chômage dans un pays où les gisements d'emplois seraient plutôt dans les PME ?
Michel Godet : Ce serait bien effectivement de ne pas inviter que le MEDEF, mais faire intervenir aussi des structures comme la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises, ndlr), les artisans ou encore les acteurs et réseaux qui sont proches du monde de l'entreprise et qui ont fait leurs preuves.
Denis Payre : Dans notre pays, il est essentiel que les représentants de différentes entités puissent proposer des pistes pour l'emploi. Le MEDEF joue ainsi un rôle important pour alerter le gouvernement sur certains sujets essentiels pour les entreprises. Cependant, aujourd'hui, 80% des nouveaux emplois sont créés dans les TPE et les PME pour lesquelles des mesures concrètes doivent être prises, par exemple sur le problème des effets de seuil. Ces entreprises subissent également de plein fouet les incertitudes liées au droit du travail. La conséquence de cette situation que n'a pas abordée le Président de la République, est une France à deux vitesses, avec d'un côté les Français bénéficiant d'emplois stables grâce à leur CDI et, de l'autre, des populations fragiles, notamment les jeunes, qui multiplient des emplois précaires, des CDD et des stages.
Nicolas Goetzmann : Au-delà de la question de la représentativité des syndicats dans leur ensemble, il se pose plus une question de diagnostic de crise pour le MEDEF. La croissance zéro qui perdure en France depuis maintenant six ans devrait tout de même interpeller les entreprises et les syndicats sur la politique économique qui est menée. Si des baisses de charges peuvent être utiles dans un contexte plus porteur, il y a un tout de même un problème de fond. Lorsque François Hollande, ou Michel Sapin par exemple, parlent des baisses de charges, ils invoquent le retour de la confiance. C’est à ce moment en général qu’ils bougent les bras d’un geste qui suppose que cela va provoquer un choc. C’est quoi le retour de la confiance ici ? Les entrepreneurs vont voir les charges baisser et se dire « j’ai confiance » ?
Je ne crois pas que le mouvement de bras va aider à quoi que ce soit. Le retour de la confiance, c’est en réalité la modification des anticipations de croissance par les acteurs économiques. Si les anticipations sont à la hausse, les investissements repartent, les embauches aussi. Et ces anticipations de croissance, qui sont liées aux anticipations d’inflation, sont des éléments qui relèvent du pouvoir d’une banque centrale. Le marché réagit aux discours de Mario Draghi, par contre François Hollande n’a jamais fait bouger le marché d’un iota. A partir de là, il serait peut être intéressant que le Medef s’intéresse à ces questions parce qu’il me semble que l’impact serait d’une toute autre ampleur que la baisse de charges qui se prépare.
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