Publié le dans Économie générale
Par Alex Korbel.
Compte tenu des problèmes actuels des États européens, il est difficile de nier que les pays dotés de grands secteurs publics ont un problème de croissance économique. Si l’État grossit trop, il évince l’activité privée et étouffe l’économie par les deux mains de la fiscalité et de la bureaucratie.
Bien que la plupart des économistes acceptent de dire qu’il existe une corrélation négative entre la taille du gouvernement et la croissance économique, beaucoup s’empressent de nuancer en ajoutant que si les dépenses de l’État sont axées sur l’investissement plutôt que sur la consommation, elles peuvent avoir un effet positif sur la croissance économique.
Ici, l’hypothèse implicite est que les dépenses de l’État ne sont ni « bonnes », ni « mauvaises ». Tout dépend de comment l’État dépense son argent (ou plutôt l’argent qu’il a levé ou emprunté sous forme d’impôt ou de dette).
Les « bonnes » dépenses publiques existent-elles ?
Une nouvelle étude publiée par le Centre for Policy Studies, suggère que cette hypothèse est infondée et qu’il n’existe en réalité aucune corrélation positive entre croissance économique et
dépenses d’investissement public, quelle que soit leur nature.
Le périmètre de cette étude est particulièrement intéressant puisqu’elle s’intéresse à 19 pays européens de l’OCDE sur une période de 15 ans, de 1996 à 2011.
Son premier constat est plutôt surprenant : les dépenses de l’État liées à ses pouvoirs régaliens (justice, défense, ordre public) sont complétement éclipsées par d’autres activités. En moyenne, 38% des dépenses des États sont affectées à la sécurité sociale, 19% aux fonctions régaliennes, 15% à la santé, 12% à l’instruction et 10% aux subventions et infrastructures.
L’augmentation du poids de l’État que nous vivons depuis un siècle vient de l’accroissement du contrôle étatique dans tous ces secteurs qui ne sont pas régaliens. L’étude souhaite alors vérifier qu’il y a une relation empirique entre les différents types de dépenses publiques et la croissance économique.
La réponse apportée par l’étude va surprendre plus d’un lecteur. Difficile en effet de distinguer entre « bonnes » et « mauvaises » dépenses de l’État. En dehors des dépenses publiques liées aux pouvoirs régaliens, à peu près toutes les dépenses de l’État ont un impact neutre ou négatif sur la croissance.
Le domaine de l’instruction est le seul à être neutre. Les États peuvent y investir plus ou moins, l’impact sur la croissance économique reste statistiquement neutre. En d’autres termes, donner plus d’argent à l’éducation nationale n’a aucun effet sur la croissance économique.
En ce qui concerne les autres secteurs de dépenses de l’État, l’effet sur la croissance est négatif.
En matière de santé par exemple, plus les dépenses de l’État augmentent, moins on a de croissance économique. L’étude estime qu’une réduction des ressources consacrées aux dépenses publiques de santé de 0,5% permettrait d’accroitre la croissance économique de 0,4% par an.
Pour les dépenses de sécurité sociale, l’effet négatif sur la croissance est encore plus prononcé. L’argent que l’État dépense pour les frais de maladie, d’invalidité, de retraite, pour les allocations familiales, chômage et logement tue la croissance. Pour chaque point de pourcentage supplémentaire du PIB consacré à un des éléments de la sécurité sociale, la croissance annuelle du PIB est inférieure de 0,2%.
Les dépenses de l’État liées à l’instruction, la santé ou la sécurité sociale ne font donc pas grandir notre économie plus rapidement.
Et les infrastructures ?
Quid des dépenses publiques en infrastructures ? À Paris comme à Bruxelles, celles-ci ont la réputation de stimuler la croissance économique. Mais qu’en est-il vraiment ?
L’étude souligne qu’en « comparant la moyenne des dépenses d’infrastructure routière des 19 pays européens sur la période 1996-2010, on ne trouve aucune preuve de l’existence d’une corrélation avec la croissance moyenne du PIB réel ». « Le coefficient de corrélation calculé entre la moyenne des dépenses en infrastructures routières en proportion du PIB et la croissance moyenne du PIB réel pour chaque pays sur la période analysée est de -0,066% ». La politique des grands travaux n’est donc pas le remède miracle que beaucoup de politiciens et de hauts fonctionnaires nous vendent depuis des décennies.
L’étude prête cependant le flanc à quelques critiques. Tout d’abord, corrélation n’est pas causalité. Il est ainsi possible qu’une hausse des dépenses de l’État dans le domaine de la santé et qu’une baisse de la croissance économique surviennent en même temps sans qu’il y ait de lien entre les deux. Une autre critique serait de dire que mesurer l’impact des dépenses agrégées d’instruction n’est pas une approche assez fine : quid de la distinction et des différents impacts entre l’investissement dans de meilleurs enseignants et l’investissement dans de nouvelles salles d’école ?
Cela dit, la conclusion générale de l’étude est plus que plausible : l’État ne peut pas encourager la croissance économique en s’accaparant plus de ressources pour lui-même. L’échange volontaire est le meilleur moyen d’allouer des ressources. La dépense publique, en distordant le mécanisme des prix, sape également les incitations disciplinant le marché ce qui aboutit nécessairement à l’affaiblissement du potentiel de l’économie d’un pays.
Cette étude démontre qu’il n’existe pas de relation entre les principaux secteurs de dépenses publiques et la croissance du PIB réel. Plus grande est la taille de l’État, moins prospère est la société.
Si plausibles que soient ces résultats, il est utile de diffuser ces faits face à l’incessante rhétorique politique demandant plus de dépenses de l’État - déguisées en « investissements publics » – pour stimuler l’économie. Ce n’est pas forcément ce que les chiffres montrent.
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