Gabriel Lévy
16 juin 2014
La quasi-totalité des médias rendent les USA responsables de
la victoire possible de ceux qui se revendiquent de « l’état islamique
en Irak et au Levant », négligeant de s’attarder sur les mots
« islamique » et « Levant ». Pourtant les deux mots sont
sans équivoque et l’ambition non dissimulée.
En cela, les médias comme bon nombre de nos concitoyens,
supposent que « dès que nous nous blâmons, personne d'autre n'a plus le
droit de le faire ». Erreur ! Ce qui a été considéré comme une
faute commise deux siècles plus tôt, est rappelé tous les jours :
colonialisme, esclavagisme… sans que les populations et les pays qui y sont
encore, ou de nouveau, soumis ici ou là suscitent des manifestations populaires
et des longs défilés.
Il y a peu, les mêmes se réjouissaient de voir des peuples
se soulever contre des dictateurs, confortant, sans le vouloir, l’initiative
américaine en Irak qu’ils condamnaient. Enfin, un « printemps arabe »
naissait dans le monde, et il naissait spontanément, engendré par
la vague populaire ! Il n’a duré que quelques mois. Mais qui est
responsable de son échec, sinon l’islam extrémiste en le dénaturant en
Egypte, en Tunisie, en Libye, en Syrie ?
L’intervention américaine en Irak, les interventions
françaises menées en Libye, ou tentées en Syrie, ont échoué et celles menées en
Afrique suivront le même chemin. L’Afghanistan retourne au chaos, le Pakistan
est promis à la même destinée. L’occident est suffisamment échaudé pour n’agir
désormais qu’avec la plus grande circonspection.
Toutefois, peut-on ignorer la réalité et les mots qui la
recouvrent, quand les combattants aux portes de Bagdad promettent un
« Etat islamique en Irak et au Levant » ? C’est
grand le Levant ! Peut-on prétendre réduire ces combats à une guerre de
religions entre fractions sunnite et chiite de l’Islam, comme autrefois entre
protestants et catholiques ? Non, il s’agit de fractions armées qui
avertissent qu’hors de l’Islam il n’y pas de salut et que toutes les terres qui
ont été conquises sont définitivement terres d’Islam. En définitive, cet
islam-là n’est pas seulement une religion, mais une alternative de
civilisation.
Des « convulsions » armées se produisent
partout dans le monde (Afrique, Inde, Chine….), mais les dirigeants européens,
et principalement français, se sont efforcés de minimiser l’apparition du
« conflit de civilisations » annoncé par S. Huntington dès 1993.
Ainsi, M. Chirac « se refusait à juger les régimes politiques à l’aune de
nos traditions, au nom de je ne sais quel ethnocentrisme ». Or, s’il
n’est pas question de croisade religieuse, s’il n’est plus question d’importer
« en bloc l’occident et ses valeurs » (Villepin), il
n’est question désormais que de défendre « l’aune de nos traditions »
sous peine d’une tragédie, celle de la libanisation
(Villepin). Pour l’éviter, il est indispensable d’avoir une vision lucide
des situations (ne plus nier l’existence d’un antagonisme, d’une
concurrence de civilisations), de ne pas négliger les avertissements surtout
quand ils sont expressément formulés, de manifester la volonté farouche de
défendre « nos traditions », et d’éviter la critique inefficace et
préjudiciable des pays qui les partagent (« petit ou grand Satan »).
Selon George Orwell (1903-1950), " tôt ou tard une vision erronée se
heurte durement à une réalité authentique, habituellement sur un champ de
bataille".
En enchainant par "La façon la
plus rapide de mettre fin à une guerre est de la perdre », il
annonçait l’impasse dans laquelle se trouve le monde occidental, résumée ainsi
par M. Guy Millière : « s’il y a
soixante dix ans, le mot d’ordre générique face au danger totalitaire était
celui de l’apaisement, il est aujourd’hui infiniment pire encore,
puisqu’il est celui de la reddition préventive. ».
L’histoire repasse-t-elle
les plats ? Prouvons que le « suicide des démocraties » (JF
Revel) n’est pas obligatoire.
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