FIGAROVOX/CHRONIQUE - Face aux crises internes que traversent le l'UMP, le PS et le FN, Maxime Tandonnet en appelle au réveil de la société civile. Et si le destin collectif de la France ne passait plus par les partis politiques ?
Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l'exercice de l'État pour FigaroVox. Il est haut fonctionnaire, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013. Vous pouvez également lire ses chroniques sur son site.
La Constitution de 1958 reconnaît un rôle pivot aux partis politiques dans le fonctionnement de la vie politique et de la démocratie. D'après son article 4: «Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.» Pourtant, un sondage CEVIPOL de janvier 2014 souligne que seuls 11% des Français ont confiance dans
les partis politiques, qui se présentent ainsi comme l'une des institutions suscitant le plus grands rejets des citoyens. Ces derniers semblent ainsi rejoindre la pensée de Simone Weil, philosophe chrétienne d'origine juive, proche du général de Gaulle et de la France libre, qui pronait leur suppression: «Il est inévitable qu'en fait le parti soit à lui-même sa propre fin» (Ecrits de Londres, 1940).
Les partis politique connaissent aujourd'hui un phénomène de rejet profond et sans doute durable. Quelle image donnent-ils aux Français, si l'on s'en tient aux trois principaux?
Le parti socialiste donne le sentiment d'avoir fait naufrage. Il semble totalement dépassé par les orientations du chef de l'Etat et du Gouvernement autour du «Pacte de responsabilité» en faveur du redressement de la compétitivité des entreprises. Son rôle dans l'inspiration de la politique nationale paraît désormais inexistant, au point qu'une partie de ses députés a récemment envisagé de refuser la confiance au gouvernement. Il lui est généralement reproché son éloignement des préoccupations et inquiétudes populaires au profit d'un alignement obsessionnel sur le politiquement correct, et surtout le grand écart abbyssal entre la bonne conscience affichée et le cynisme quotidien qui imprègne son image dans l'opinion. Ce mélange d'aveuglement et d'ambiguité profonde explique la fuite de l'électorat populaire vers d'autres horizons.
Les turpitudes actuelles de l'UMP accablent le camp républicain modéré. Le scandale Bygmalion laisse son électorat abasourdi, désemparé, avec le goût amer de la trahison. Comment de telles pratiques peuvent elles encore exister malgré tous les scandales passés? L'attitude du parti, focalisé depuis quelques mois sur la préservation des rentes de situation personnelles, à l'oeuvre notamment dans la désignation des têtes de listes aux Européennes, désespère tous ceux qui lui ont fait un jour confiance. Non seulement le mouvement paraît noyé dans le conformisme, incapable de produire de nouvelles idées, des projets novateurs, mais encore développe-t-il un climat d'inquisition violente envers ceux des siens qui tentent de réfléchir, comme l'a montré l'odieuse cabale enversLaurent Wauquiez auteur d'un livre sur l'Union européenne (Europe, tout doit changer, Odile Jacob).
Le troisième larron, parvenu dans la cour des grands, est quant à lui rongé par ses contradictions. Ses nouveaux leaders, arc-bouté sur l'objectif de «respectabilité» proclament que le FN n'est pas «ni raciste ni antisémite». Cependant, comme tout groupe humain, ce mouvement qui se caractérise par son essence familiale, a une histoire, une identité, un passé, dont on ne voit pas comment il serait possible de l'effacer, de le nier, d'en faire table rase... Se présentant comme «anti-système», il en est pourtant devenu involontairement le coeur même, ultramédiatisé pour diaboliser les sujets dont le monde politique et médiatique ne veut pas entendre parler: l'Europe, l'euro, l'immigration ou la sécurité. La radicalité de son discours envers le reste du monde politique et le virage étatiste, gauchisant de son programme économique et social, paraissent le condamner à une opposition éternelle et apparaître ainsi comme une impasse. Son récent et tout relatif succès électoral - certes premier parti, mais avec environ 10% de l'électorat - soulève plus de questions qu'il n'en résoud: phénomène d'adhésion ou, bien plus sûrement, geste de protestation?
Alors que peuvent faire les Français désespérés qui croient encore à un avenir, un destin collectif. Il existe deux issues possible: l'homme providentiel ou la mobilisation citoyenne. La première, nous n'y croyons guère parce que des Bonaparte ou de Gaulle, il en vient un tous les siècles et que nous ne voyons pas apparaître aujourd'hui l'ombre d'un personnage de cette ampleur. D'ailleurs, les sauveurs naissent en temps de guerre et non dans les périodes de paix. La seconde est plus crédible. Elle repose sur un réveil de la société civile, autour d'un foisonnement d'associations, de blogs et sites sur Internet, d'échange d'idées, de réunions, de pétitions, manifestations paisibles. Mais cela ne suffit pas, il faut qu'à un moment ou à un autre intervienne une équipe, une élite (au sens noble du terme) pour fédérer, organiser, canaliser les énergies. Laissons pour finir la parole à Simone Weil: «L'esprit de parti aveugle, rend sourd à la justice, pousse même d'honnêtes gens à l'acharnement le plus cruel contre des innocents. On l'avoue, mais on ne pense pas à supprimer les organismes qui fabriquent un tel esprit. [...] La conclusion, c'est que l'institution des partis semble bien constituer du mal à peu près sans mélange. Ils sont mauvais dans leur principe, et pratiquement leurs effets sont mauvais. La suppression des partis serait du bien presque pur. Elle est éminemment légitime en principe et ne paraît susceptible pratiquement que de bons effets. Les candidats diront aux électeurs, non pas: «J'ai telle étiquette» — ce qui pratiquement n'apprend rigoureusement rien au public sur leur attitude concrète concernant les problèmes concrets — mais: «Je pense telle, telle et telle chose à l'égard de tel, tel, tel grand problème.»
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