C’est la première grande épreuve sociale que doit affronter Manuel Valls, la plus imprévisible aussi. La SNCF, les intermittents, les personnels pénitentiaires, une partie des agents d’Air France et les taxis se lancent au même moment dans la grève, paralysant une partie de la France et faisant ressurgir le spectre des grandes grèves du passé. Certes, la météo sociale est un art difficile, et personne ne peut aujourd’hui affirmer avec certitude que l’été sera chaud ou l’automne agité. Mais personne ne peut, à l’inverse, traiter à la légère ce qui se passe en ce moment sur le front social. Ni se désintéresser de la manière dont le pouvoir va se sortir de ces conflits. De ces pièges.
Que Manuel Valls cède aux syndicats grévistes de la SNCF, et ce serait un contre-signal terrible adressé à Bruxelles sur la capacité de la France à se mettre en accord avec nos
engagements européens, en l’espèce l’ouverture du rail à la concurrence. Qu’il cède aux intermittents et ce serait une gifle pour les syndicats réformistes et le patronat qui ont signé la réforme de l’assurance-chômage et ont donné corps à la démocratie sociale. Qu’il se courbe devant les cheminots, qu’il recule face aux agitateurs de la culture et ce serait la démonstration que la réforme, en dépit de valeureux coups de menton, n’est qu’un discours. Et qu’en réalité le gouvernement abdique dès les premières escarmouches sociales, incapable de s’attaquer aux rentes, aux statuts ultra-protecteurs, aux avantages exorbitants du régime commun.
Dès son arrivée à Matignon, Manuel Valls avait porté haut son autorité naturelle, revendiquant d’avoir un cap et de s’y tenir. Moins de cent jours après son installation, le voilà sous la pression du social et sous l’œil de l’opinion publique, contraint de ne rien lâcher s’il ne veut pas perdre dans le même instant sa capacité à réformer.
Nicolas Beytout
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