4 JUIN 2014 par MILLIERE GUY dans POLITIQUE avec 7 COMMENTAIRES
J’ai écrit, au cours des derniers mois, plusieurs livres. L’un d’entre eux porte sur la France, une fois encore, bien que je me sois juré plusieurs fois de ne pas revenir sur le sujet. La situation qui se dessinait me semblait trop grave pour que je n’en traite pas. Les analyses de la situation me paraissaient trop lacunaires pour que je n’ajoute pas certains points cruciaux.
Depuis, la situation s’est considérablement aggravée. Les points cruciaux que j’ai voulu ajouter aux analyses existantes me semblent plus pertinents que jamais.
Il s’est dessiné dans toute l’Europe, lors des récentes élections, un rejet assez massif de l’Europe qui se construit. Ce rejet a été divers et a pris des formes différentes selon les pays. L’UKIP (United Kingdom Independence Party) britannique n’a rien à voir, en termes d’idées, avec le Front National français (son dirigeant, Nigel Farage, ne veut
d’ailleurs pas entendre parler de Marine Le Pen). Aube dorée, en Grèce, parti ouvertement néo-nazi et explicitement antisémite, est aux antipodes du Parti de la liberté aux Pays-Bas de Geert Wilders, ennemi de l’islam, mais ami d’Israël, qui, parce qu’il s’est allié au FN, en une alliance un peu contre nature, l’a payé électoralement. Le rejet n’en est pas moins clair, net, et sans ambiguïté.
Ce rejet, je le redis ici, ne changera rien à la construction en cours, car c’est une construction idéocratique de type constructiviste, au sens que Friedrich Hayek a donné à ce terme. Les adeptes de l’idéocratie et du constructivisme ne renoncent jamais, jusqu’à l’effondrement, car toute tentative idéocratique et constructiviste s’achève par un effondrement.
Ce rejet vient des conséquences et des effets de l’idéocratie et du constructivisme. Si la construction européenne n’avait été que la création d’un grand marché, d’une zone de libre-échange, si des dimensions d’abrasion des identités nationales et des cultures ne s’étaient mise en place, si les déficits démocratiques n’étaient allés croissants, si des réglementations de plus en plus complexes, de plus en plus restrictives, de plus en plus absurdes n’avaient pas été mises en place d’une manière qui ne peut que paraître arbitraire, nous n’en serions pas là.
La situation est particulièrement préoccupante dans plusieurs pays, la Grèce tout particulièrement. Elle est très préoccupante en France, même si cela ne se dit, pour l’heure, qu’à mots couverts. Le Parti socialiste est en ruines et mettra très vraisemblablement du temps à se reconstruire. L’UMP est presque en ruines et en train de se déchirer. Le Front national est devenu le premier parti de France, avec un programme socialiste et protectionniste, porteur de repli et de crispations indicatrices d’un profond malaise chez nombre d’électeurs, ainsi que d’une incompréhension de l’économie et du monde actuel.
La population française, comme d’autres en Europe, n’a plus de repères et n’est peut-être déjà plus une population, mais un ensemble de groupes sociaux dissociés et en conflit profond les uns avec les autres.
Pour définir ce qui se passe, j’utilise un terme emprunté à Antonio Gramsci et un autre emprunté à Émile Durkheim.
Une nomenklatura de gauche a édifié une hégémonie intellectuelle du type de celle à laquelle songeait Gramsci, lorsqu’il parlait d’investir les appareils culturels, journalistiques, politiques aux fins de remplacer ce qu’il appelait l’hégémonie capitaliste par une autre hégémonie faisant que tous les débats aient lieu selon les paramètres de l’autre hégémonie. Cette hégémonie intellectuelle, aujourd’hui en place, mène au désastre. La population le sent. Elle cherche des réponses. Elle n’en trouve pas et ne peut en trouver, car l’hégémonie a fait table rase et a effacé ou défiguré tout ce qui n’est pas elle.
Le résultat est ce que Durkheim a appelé l’anomie, c’est-à-dire l’abolition de ce qui permet à une société de fonctionner de façon dynamique. Le résultat de l’anomie est l’implosion. Nous sommes dans l’implosion.
Guy Millière
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