Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.
De faire en sorte que des personnes désireuses de travailler avec un employeur à des conditions dérogeant au droit du travail actuel en France puissent se tourner vers un juge afin de faire reconnaître leur souhait de déroger aux dispositions légales en la matière.
Ouh là. C’est compliqué. Exemple très concret ?
On pense immédiatement au cas des 300 salariés de Bricorama qui en décembre 2012 s’étaient rassemblés pour réclamer l’abandon de l’action en justice intentée par Force ouvrière exigeant la fermeture des magasins le dimanche. Il y a aussi les salariés de Sephora, de Décathlon et autres qui auraient intérêt à pouvoir s’opposer aux actions de certains syndicats et faire reconnaître leur droit de travailler ces jours-là.
Autre exemple plus important encore : le cas de tous les jeunes et autres personnes sans expérience
et/ou peu formées qui ne parviennent pas à intégrer le marché du travail, y compris quand des employeurs seraient désireux de les employer à un salaire inférieur au Smic.
N’est-ce pas une façon de détourner le Code du travail ?
Le véritable détournement est de pousser les gens à travailler au noir. Reconnaître la perte de chance qu’est le fait de ne pas pouvoir travailler légalement, c’est accepter notre responsabilité collective dans le fait d’avoir créé un cadre réglementaire qui exclut un nombre de plus en plus important de personnes, en particulier les plus fragiles.
Non, pour résumer, ce serait un recours qui permettrait de reconnaître la perte de chance liée à l’interdiction de signer certains contrats de travail pourtant voulus par les deux parties.
Quel rapport avec les class actions ?
C’est l’aspect collectif. Sauf qu’aujourd’hui, les recours collectifs autorisés récemment par la loi Hamon se limitent aux dommages matériels des litiges de consommation. Ici, on élargirait le recours à des individus victimes du droit du travail. Ce type de recours se distinguerait aussi de la class action traditionnelle, en ce que l’objet de la démarche ne serait pas d’obtenir des indemnisations financières mais d’obtenir des dérogations par rapport au droit du travail existant. De plus, la loi reconnaîtrait à d’autres organisations que les associations de consommateur, le droit d’intenter des actions, comme par exemple, les organisations syndicales, patronales ou autres.
Quel est l’enjeu en termes d’emploi ?
Il est considérable. Comme le souligne Bertrand Martinot dans son livre Chômage : Inverser la courbe, le chômage des adultes n’ayant pas dépassé le brevet des collèges est bien plus important que celui des personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Il était de 12,9% contre 4,9% en 2010. Pire, la France compte une proportion particulièrement forte d’adultes non diplômés (30% des actifs de plus de 25 ans n’ont pas dépassé le niveau du brevet des collèges contre 14% en Allemagne et 25% en moyenne dans l’Union européenne). Pour eux, le salaire minimal est un fléau réel. Ils devraient pouvoir s’opposer à son application dans leur cas.
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