Par Jacques de Guenin
De même que l'homme
s'associe à d'autres hommes pour satisfaire des objectifs qui dépassent ses
facultés, des associations ou des entreprises peuvent s'associer de diverses
façons pour constituer des ensembles permettant d'accomplir des objectifs
qu'aucune des parties ne pourrait accomplir seule. Il existe nombre
d'associations ou d'entreprises fonctionnant suivant ce principe dans la
société civile. Ainsi les compagnies d'assurance réassurent-elles leurs plus
gros risques auprès de compagnies aux capitaux plus importants.
Le principe de
subsidiarité, cher aux libéraux, veut que cette action se fasse par délégation
de pouvoirs des associations d'individus vers les associations d'associations.
Si le sujet préoccupe les libéraux, c'est que la tendance des organisations
humaines va plutôt dans l'autre sens : dans une fédération d'associations, c'est
souvent la fédération qui fixe les orientations; dans un groupe d'entreprises,
il arrive souvent que le groupe décide unilatéralement de ce que devront faire
les filiales. Mais c'est surtout dans la répartition des pouvoirs au sein d'une
même nation que les libéraux voudraient voir appliquer le principe de
subsidiarité.
"De même qu'on ne
peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions
dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative, et par leurs
propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que
troubler de manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux
groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste,
et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir
eux-mêmes."
"Que l'autorité
publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires
de moins d'importance où se disperserait à l'excès son effort ; elle pourra dès
lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions
qui n'appartiennent qu'à elle, parce qu'elle seule peut les remplir."
Reprenant la même idée
sous une autre forme, Frédéric BASTIAT écrivait en 1849 :
"Quand le
gouvernement ne peut pas éviter de se charger d'un service qui devrait être du
ressort de l'activité privée, il faut du moins qu'il laisse la responsabilité
aussi rapprochée que possible de celui à qui naturellement elle incombe".
"Ainsi dans la
question des enfants trouvés, le principe étant que le père et la mère doivent
élever l'enfant, la loi doit épuiser tous les moyens pour qu'il en soit ainsi.
A défaut des parents que ce soit la commune ; à défaut de la commune, le
département. Voulez-vous multiplier à l'infini les enfants trouvés ? Déclarez
que l'Etat s'en charge."
..."Comment
veut-on que le monde se perfectionne, si ce n'est à mesure que chacun remplira
mieux ses devoirs ? Et chacun ne remplira-t-il pas mieux ses devoirs à mesure
qu'il aura plus à souffrir en les violant ?[1]"
La Confédération
Helvétique, formée de 23 cantons, est organisée selon ce principe. L'article 3
de sa constitution est ainsi rédigé :
Les cantons sont
souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la constitution
fédérale, et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués
au pouvoir fédéral.
Le mot le plus important
de ce texte est le mot "délégués". Tout pouvoir exercé par
l'État Fédéral est un pouvoir délégué par les cantons.
Le principe de
subsidiarité a fait une réapparition remarquée en 1992 au moment de la
discussion du Traité de Maastricht. Son article 3 b est ainsi conçu.
"Dans les
domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté
n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la
mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de
manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des
dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau
communautaire."
Malheureusement, la
réalité n'a jamais été conforme aux attentes, ce qui fait dire aux mauvaises
langues que la Communauté Européenne utilise le principe en sens inverse :
"il faut laisser aux nations les sujets dont la Communauté ne peut
vraiment pas s'occuper". Il ne faut pas s'en étonner. Comme tout corps
constitué, la Commission Européenne a tendance à accroître ses pouvoirs sous sa
propre impulsion, mais aussi sous l'impulsion des fantasmes de tel ou tel chef
d'État. Par l'étendue des pouvoirs nouveaux qu'il lui donnait, le Traité de
Maastricht pouvait à juste titre effrayer les libéraux, et c'est eux qui se
sont battus pour introduire ce garde-fou.
Voir aussi : http://lecercle.lesechos.fr/node/84669/ et http://lecercle.lesechos.fr/node/85082/
[1] Harmonies économiques.
Chapitre sur les salaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire