Par Yvan Rioufol
De toutes les crises que la France a à subir, la plus grave
reste celle du sectarisme. Le poids du conformisme intellectuel est
tel qu’il rend impossible le moindre débat. J’en veux pour preuve l’incroyable
déferlement de haines et d’insultes qu’ont eu à subir, durant ce long week-end,
les signataires du "Manifeste des 343 salauds".
Je me flatte d’autant plus d’en faire partie, au vu des
déchaînements des comités de salut public, des accusations basses, des
sous-entendus répugnants. Ce texte, qui en appelle à l’humour et à
l’impertinence, s’oppose au projet de pénalisation des clients de prostitués,
au nom du même droit de disposer librement de son corps réclamé naguère par les
féministes signataires du "Manifeste des 343 salopes", qui exigeait
la dépénalisation de l’avortement.
Cette défense élémentaire d’une liberté prend soin de préciser,
évidemment : "Nous n’aimons ni la violence, ni l’exploitation, ni le
trafic des êtres humains. Et nous attendons de la puissance publique qu’elle
mette tout en œuvre pour lutter contre les réseaux et sanctionner les
maquereaux". Je précise que ce brûlot machiste, ainsi décrié par les
nouveaux
puritains et les épurateurs, a en réalité été écrit par une femme, Elisabeth
Levy, qui veut faire de son magazine, Causeur, le lieu de tous les
débats… La tartuferie du Camp du Bien a atteint là, avec cette chasse
aux sorciers, son stade le plus abouti. Voici un rapide inventaire des sottises
et des saloperies entendues
Le PS, prompt à dénoncer l’esprit complotiste chez les autres, à
décelé dans cette initiative une "offensive réactionnaire", en raison
notamment (enfin, j’imagine) de la présence d’Eric Zemmour et de
moi-même. Je précise que nous ne nous sommes pas concertés et que beaucoup de
signataires viennent de la gauche.Serge July, dimanche sur RTL, y
est allé de son copie-collé sur les "cons qui osent tout" (déjà servi
peu ou prou par Claude Askolovitch sur cette même radio), en oubliant
que son journal Libération des années 70-80 publiait (avec l’aval de Jean-Paul
Sartre et de la féministe Simone de Beauvoir) des pétitions réclamant la
dépénalisation de la pédophilie, y compris avec des fillettes de six ans.
Les féministes, qui crient au blasphème, s’indignent qu’une
femme fasse commerce de ses charmes. Mais elles trouvent normal qu’elle puisse
louer son ventre le temps d’une Gestation pour autrui. Je passe vite, par
dégoût, sur la lâcheté de Nicolas Bedos qui, après avoir signé le
document d’Elisabeth Lévy, s’est empressé de le renier en multipliant les gages
de sa collaboration avec le parti de l’Ordre et ses dames patronnesses.
Dans Presse-Océan (Nantes) de samedi, un Marc Dejean,
petit flic du bienpensisme ragaillardi par la meute, a dressé un "carton
rouge" à votre serviteur, qu’il soupçonne élégamment d’être motivé
"pour son petit plaisir". Ces intégrismes, ces procès staliniens, ces
délits d’opinion dévoilent, derrière le pharisaïsme médiatique, le visage de
l’intolérance. Le "Manifeste" a déjà eu comme premier mérite d’avoir
mis bas les masques.
Ivan Rioufol - Blog
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