Le but véritable de la proposition de loi est de s’assurer que tous les enfants soient « formatés » de la même manière, selon les vues de l’État.
Une proposition de loi interdisant l’école à domicile a été déposée au Sénat le 18 décembre dernier par des sénateurs de l’UMP. On ne tolérerait qu’une exception : le cas où l’enfant a une maladie, un handicap physique ou mental si grave qu’il rend « impossible »une scolarisation en structure collective.
Ce n’est donc pas une retouche à la marge de la loi sur l’obligation scolaire. C’est une vraie révolution. Actuellement, la loi prévoit une obligation d’instruction pour les enfants de 6 à 16 ans – instruction qui peut avoir lieu dans une école ou à la maison. Cette proposition de loi prétend imposer désormais une obligation de scolarisation dans une école.
Cette proposition est gravement liberticide. Elle va à l’encontre du principe de liberté
d’enseignement, intégré dans le bloc de constitutionnalité depuis 1977, comme de toutes les libertés civiques propres aux États de droit. Elle viole en particulier l’article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. »
Bien que portée par des élus UMP, elle s’inscrit dans le droit fil de la pensée de Vincent Peillon, qui donne pour mission à l’école d’arracher les enfants à tout « déterminisme » familial, social, religieux. La logique de cette initiative est dès lors facile à décrypter : la socialisation de l’enfant est un pur prétexte ; d’ailleurs, les études aux États-Unis montrent que les enfants scolarisés chez eux ne rencontrent aucun problème d’intégration sociale ou de relation humaine dans leur vie d’adulte, bien au contraire.
Le but véritable de la proposition de loi est en fait de s’assurer que tous les enfants soient « formatés » de la même manière, selon les vues de l’État, et que l’influence des parents, qui sont pourtant par nature premiers éducateurs de leurs enfants, soit réduite à la portion congrue. Disons-le donc clairement : les parents sont présentés de plus en plus comme une menace pour leurs enfants. Leur influence est jugée malfaisante et il conviendrait d’en préserver les enfants. Le paradoxe est qu’ils sont mis sur le banc des accusés par un État dont les succès éducatifs sont pour le moins discutables mais qui prétend être un meilleur garant de l’éducation et de l’épanouissement.
En rendant l’école obligatoire, et en rognant les libertés de l’école dite libre, on se rapproche dangereusement des modèles totalitaires qui, avec Sparte, sont les seuls à avoir arraché les enfants aux parents pour les éduquer.
Ils sont rares, aujourd’hui, les pays démocratiques interdisant l’école à la maison. L’Allemagne est un cas bien connu mais néanmoins choquant. C’est une loi nationale-socialiste de 1938 qui a interdit l’éducation à la maison pour qu’aucun enfant n’échappe à l’embrigadement nazi. Aujourd’hui, 69 ans après la chute du IIIe Reich, cette persistance anachronique conduit à des conséquences absurdes : des parents allemands mis à l’amende et parfois emprisonnés pour avoir refusé de confier leurs enfants à l’école publique et qui cherchent désormais refuge aux États-Unis.
La consternante proposition de loi de nos sénateurs n’est en définitive pas si surprenante. Elle n’est que la conséquence de la dénaturation de la fonction de l’école dans l’esprit de trop nombreux responsables politiques. Les objectifs politiques et sociaux comme ce qu’on appelle pompeusement le vivre-ensemble, ou l’égalitarisation supposée de la société via l’école, ont pris le pas dans leur esprit sur les objectifs traditionnels de l’école qui sont d’instruire, de transmettre des connaissances éprouvées en prenant soin de ne pas toucher à la conscience de l’enfant, chose sacrée y compris pour un Jules Ferry, si l’on en croit sa Lettre aux instituteurs de 1883 [PDF].
Il faut noter aussi que si cette proposition de loi venait à être adoptée, c’est tout l’enseignement à distance qui mettrait la clé sous la porte et le développement des entreprises françaises de e-learning qui serait gravement compromis. Bref, nos sénateurs auraient pu être mieux inspirés !
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