Harlem Désir, en apparatchik de bois : « On est en train de réussir. » Pierre Moscovici, en techno-volontariste : « Une décélération très nette. » Michel Sapin, en mini-mini-ministre : « Une stabilisation, c’est déjà considérable. » Résultat : sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 5,7 %. Et aucune formule, aussi ciselée soit-elle, ne travestira en victoire l’échec de François Hollande. Le chef de l’Etat a fait un pari. Il l’a perdu. A-t-il cru que sa boîte à outils suffirait à créer un choc d’embauches ? Perdu. A-t-il misé sur la croissance, revenue trop tard, trop faible ? Perdu.
Depuis trente ans, le chômage de masse mine la société française, quand parfois en Europe le
plein-emploi existe. On glose sur cette « préférence française ». On blâme notre « pessimisme paresseux ». On se souvient du « on a tout essayé ». Puis on pleure sur ce « gâchis humain ». Sans jamais oser dire que cette Etrange défaite tient d’abord à l’incapacité du commandement.
Le pari perdu de l’inversion de la courbe restera comme un exemple du genre. Absence de lucidité sur l’ampleur de la crise, la fragilité des entreprises, l’attractivité abîmée du site France, le ras-le-bol fiscal. Manque de courage pour s’attaquer aux rigidités statutaires, simplifier le droit social, réformer la formation. Biais idéologique sur le coût et le marché du travail, les contrats aidés, le smic, l’assurance-chômage, les licenciements collectifs. Travers malthusien sur le travail dominical, les rentes. Le Premier ministre a raison : ce n’est pas satisfaisant. Exclus et déclassés méritent mieux qu’un pari.
Rémi Godeau
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