lundi 6 janvier 2014

Qui sont ceux qui décident au ministère de l’Economie et des Finances ?

Etude de l'IREF

Une comparaison France / Etats-Unis

Les actualités économiques nous expliquent régulièrement que les ministres en charge de l’économie et des finances, entourés de leurs équipes, se démènent, pour éviter le naufrage de l’économie.
Or, à l’exception des ministres et de rares cas particuliers, nous ne connaissons rien ou presque de ces hommes de l’ombre, conseillers ministériels, hauts fonctionnaires et relais du pouvoir politique.
Quelles études ont-ils faites ? Quelle proportion de femmes ont-ils dans leurs équipes ? Lesquels de ces décideurs chargés d’élaborer les politiques économiques ont connu une expérience concrète dans le secteur privé ? Et combien de temps ? Et combien se sont-ils spécialisés sur la question en obtenant un doctorat ou en prenant le temps de réfléchir aux meilleures réformes à appliquer, en particulier au sein d’un think tank ?
Nous essaierons ici de répondre à ces questions.
4 points essentiels :
> 150 000 personnes travaillent au ministère de l’Economie et des Finances tandis que 148 000 personnes sont employées par le Trésor américain, alors que la population française est de 65 millions d’habitants et de 315 millions aux Etats-Unis ...
> Le nombre de fonctionnaires est donc presque le même du côté américain pour gérer un budget des dépenses de 2, 449 trillions de dollars, alors que les dépenses s’élèvent à 1, 353 trillions de dollars en France.
> Pierre Moscovici est un énarque et un politicien de carrière, mais le ministre du Trésor américain, Jacob Lew, a été tour à tour conseiller politique, avocat d’affaires, haut fonctionnaire, vice-président d’une Université et enseignant, avant de rejoindre l’administration Obama.
> Alors qu’aux Etats-Unis 61,3% de l’élite administrative[1] en charge de l’économie et des finances ont déjà travaillé dans le secteur privé pendant une durée moyenne de 5 ans, ils ne sont que 24,6% à Bercy à y avoir travaillé pendant une durée moyenne de 1,5 ans !

1- Introduction : Connaître les élites pour comprendre les politiques menées

D’après une récente enquête d’opinion, quatre Français sur dix ne font pas confiance à leur administration[2], et seulement 26% - d’entre eux font encore confiance à l’institution gouvernementale[3]. Il est vrai que si l’on constate souvent le désintérêt pour la politique et la méfiance envers les élites politico-administratives en France comme aux Etats-Unis, avec une main mise de l’ « énarchie » et des « politiques professionnels » sur les décisions dans notre pays, - on s’intéresse peu à la composition des institutions qui nous gouvernent.
Cette étude a pour vocation de comparer de manière rigoureuse la composition des élites qui administrent les économies nationales, en France et aux Etats-Unis.
Cela influence nécessairement l’orientation globale choisie par un pays. On peut estimer que, plus une élite politico-administrative est éloignée des réalités économiques du pays, ainsi que de la connaissance des règles de fonctionnement du marché, plus les politiques menées risquent d’être mauvaises ou peu réalistes.
Nous avons choisi de comparer le cas français au cas américain, car l’administration économique de la première puissance économique mondiale recouvre une importance toute particulière et symbolique. De plus, comme nous allons le découvrir, son système d’organisation administrative est différent.
Dans cette étude, nous avons choisi de nous concentrer sur les ministères en charge des affaires économiques, en analysant le parcours des ministres, des secrétaires d’Etat, leurs équipes de conseillers, et les directeurs d’agences et/ou de services, en France et aux Etats-Unis. Nous avons également pour objet de nous concentrer sur les ministères de l’Economie et des Finances, en raison du pouvoir important dont ils disposent. Par leurs droits de regard, de recommandations et d’administration d’une large partie des budgets des autres ministères, ils détiennent des leviers de pression considérables sur les autres organismes gouvernementaux.
Qui sont les fonctionnaires qui président aux décisions des politiques économiques et fiscales aux Etats-Unis et en France ? Existe-il des différences notables qui pourraient expliquer les différences d’orientation prises dans chacun de ces deux pays ?
Pour comprendre « l’élite administrative », qui participe aux décisions à la fois conjoncturelles (gestion quotidienne) et structurelles (instauration de nouvelles politiques), nous avons décidé de constituer notre base à partir de trois types de population qui exercent chacune un certain pouvoir : les hommes politiques à la tête de ces institutions qui doivent leur nomination à leur conquête du pouvoir politique ; les conseillers des ministres qui jouent le rôle « d’hommes de l’ombre » ; et les hauts fonctionnaires de carrière, qui doivent leur nomination à une expérience technique acquise au cours des années ; l’idée de base étant de prendre en compte la centaine de personnes à la tête des politiques économiques de chaque pays.
Dans un premier temps, nous soulignerons les différences fondamentales dans l’organisation de ces administrations. Dans un deuxième temps, à partir d’une analyse quantitative des hauts fonctionnaires et des hommes politiques les plus haut placés de ces ministères, nous montrerons que ceux qui gèrent les affaires économiques aux Etats-Unis ont des parcours plus divers, plus riches, et sont dotés souvent d’une expérience préalable à leur emploi public.
Enfin nous conclurons, en proposant des solutions concrètes qui pourraient tendre à améliorer la gouvernance et l’organisation administrative d’un des ministères les plus importants en France.

2- Etats-Unis / France : deux systèmes d’organisation administrative

La comparaison des deux pays semble particulièrement instructive, car les deux systèmes diffèrent profondément en termes d’organisation et par le poids de leur administration.
Aux Etats-Unis, l’héritage du spoil system permet au Président d’exercer son droit de nomination, conjointement avec le Sénat (PAS) ou seul (PA), et de désigner jusqu’à 9000 personnes à la tête des principaux ministères, services, agences du gouvernement fédéral. Ainsi, le Président et son équipe dotent les organigrammes des principales instances étatiques de personnes qui leur sont proches, afin de mettre en œuvre le programme pour lequel ils ont été élus. C’est ainsi que le Président consacre- une partie de ses premiers mois de mandat à changer - la tête de l’exécutif et de ses services administratifs.
A l’inverse, en France, si le Président dispose également d’un pouvoir de nomination important, il désigne le plus souvent des personnes issues des grands corps d’Etat ayant mené leur carrière au sein de cette administration. Il n’est pas rare que la direction d’une administration soit conservée, même après un changement de majorité, ou alors que des changements soient effectués progressivement en cours de mandat, en fonction de la conjoncture[4]. Ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis. Dans les faits, en raison du pouvoir des hauts fonctionnaires, des énarques et des grands corps au sein de ces administrations, les ministres de l’Economie ne sont pas pleinement maîtres de la nomination du personnel de leur cabinet et de ses directeurs de services. Thomas Bronnec et Laurent Fargues indiquent dans leur enquête sur Bercy[5] que - de facto, c’est l’administration qui dicte le choix du directeur de Cabinet au Ministre !
Une autre différence considérable est représentée par le poids relatif de l’administration en France. Alors qu’en 2013, 150 000 personnes environ travaillaient pour le ministère de l’Economie et des Finances en France (pour une population d’environ 65 millions de personnes)[6], 148 000 employés seulement travaillaient pour le Trésor Américain et le Département du commerce (pour une population d’environ 315 millions de personnes). Le nombre de fonctionnaires à occuper des fonctions similaires est donc très proche, mais pour une population en France presque cinq fois plus réduite ! Même si la comparaison est rendue difficile pour cause de systèmes politiques différents (pays fédéral aux Etats-Unis contre système centralisé en France), on retiendra que le nombre de fonctionnaires est le même du côté américain pour gérer un budget (de dépenses) de 2, 449 trillions de dollars, alors que celles-ci se montent en France à 1, 353 trillions de dollars[7] !
Les deux systèmes sont donc de nature différente. Mais dans les faits y a-t-il une différence significative dans le parcours et l’identité des décideurs publics du ministère de l’Economie ?

3- Portrait des personnalités

... qui prennent les décisions économiques et fiscales en France et aux Etats-Unis
Nous avons décidé de nous intéresser à plusieurs caractéristiques concernant la centaine d’hommes politiques et de hauts fonctionnaires qui se trouvent à la tête des fonctions budgétaires et économiques de l’Etat. Pour chaque individu, nous avons examiné son parcours scolaire (type d’étude, école), son parcours professionnel (passage dans le privé, type d’activité) et étudié plus spécifiquement s’il a eu une activité au sein d’un think tank (organisme privé de recherche) ou d’un laboratoire de recherche universitaire. Nous avons pu compléter ces données avec l’âge et le sexe[8]. Nous avons pu constater notamment que la parité était beaucoup plus importante aux Etats-Unis, dans la mesure où 47 % des responsables de l’administration économique sont des femmes, et seulement 27,2% en France.
Mandarins contre managers ?
L’élite fédérale américaine est connue pour sa grande diversité. A son plus haut niveau, il est courant de croiser des ministres (secretary of state) ayant longuement travaillé dans le secteur privé et dans le monde associatif, ou qui ont eu une activité d’enseignants chercheurs en Université, ont connu en outre des périodes d’expatriation internationale, ou encore - effectué une carrière militaire. La diversité semble la norme.
Son plus illustre représentant, Barack Obama, en est d’ailleurs un exemple remarquable : il fut au cours de sa carrière successivement travailleur associatif, avocat, puis professeur de droit en Université. C’est le cas également du ministre du Trésor américain, Jacob Lew, qui a été tour à tour conseiller politique, avocat d’affaires, haut fonctionnaire, vice-président d’une Université et enseignant, avant de rejoindre l’administration Obama. Les cinq ministres[9] du Trésor américain combinent leur spécialité au sein de l’administration avec une expérience du privé : trois ont travaillé dans des cabinets d’avocats, une autre a travaillé en tant qu’enseignante et chercheuse, enfin, une autre encore a travaillé en tant qu’analyste financière.
A l’opposé, l’élite administrative française semble être d’une très grande homogénéité, qui entraîne la pesanteur des grands corps d’Etat.
Une grande partie en effet de ses membres est issue de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), devenue au fil du temps un véritable symbole de l’endogamie d’Etat. Cette prégnance dans les cabinets ministériels et spécifiquement à Bercy a déjà été constatée. Luc Rouban estimait ainsi à 57,9 % la proportion d’énarques dans les cabinets des ministres de l’Economie entre 1984 et 1996[10]. Cette institution semble ainsi - monolithique dans son recrutement[11]. C’est d’ailleurs ce qui apparaît à travers nos données : seule la moitié des Ministres et secrétaires d’Etat en charge des affaires économiques et financières de l’Etat sont passés par une entreprise privée (et quand ils l’ont été, généralement cela a été un court moment), le reste ayant épousé une carrière de haut fonctionnaire toute leur vie.
Dans la même logique, on constate que les conseillers ministériels, qui forment véritablement le « premier cercle » autour du décideur politique, semblent pour une grande partie issus de la fonction publique, ou parapublique (entreprises publiques, agences paragouvernementales).
Pour étudier cette caractéristique, nous avons isolé plusieurs données afin de comprendre la trajectoire professionnelle des différents décideurs de ces ministères (cf. les données brutes : - passage dans le privé ; - nombre d’années passées dans le privé ; -temps passé dans une entreprise publique, et - passage par la recherche scientifique].
Alors qu’aux Etats-Unis 61,3% de l’élite administrative en charge de l’économie et des finances ont déjà travaillé dans le secteur privé, ils ne sont que 24,6% à Bercy !
Non seulement les Américains sont beaucoup plus nombreux à avoir connu la situation de l’emploi privé, ses mécanismes et ses logiques, ainsi que les réalités de l’entreprise et de la concurrence, mais encore ils ont travaillé, dans une large moyenne, plus longtemps dans cet écosystème. On constate ainsi qu’ils ont travaillé en moyenne cinq années sous un régime privé, contre une année et demi pour les dirigeants de Bercy.
Hétérogénéité des parcours scolaires et monopole exercé par quelques écoles parisiennes.
Une simple lecture des journaux économiques des deux côtés de l’Atlantique a attiré notre attention sur une autre réalité, que nous avons quantifiée : le profil scolaire et académique des hauts fonctionnaires, ainsi que des dirigeants politiques à la tête des ministères, est plus diversifié aux Etats-Unis qu’en France, tant au niveau du diplôme et du type d’études poursuivies, que sur l’origine géographique des institutions scolaires concernées.
Les dirigeants du Trésor américain, par rapport à leurs homologues français, sont du niveau d’un doctorat dans une proportion bien plus grande. Ce grade universitaire est souvent la preuve - d’un vaste savoir-faire spécialement élaboré sur la durée.
Quand on découvre le peu de culture en théorie économique, - en recherche et en connaissance des mécanismes de marché des élèves de l’ENA, elle-même une institution marquée historiquement par les juristes, on ne peut que s’inquiéter de ce constat.
Seuls, 7% - des personnes- dont nous avons étudié le parcours, ont soutenu une thèse de doctorat, ou sont en cours de soutenance, alors qu’aux Etats-Unis, ils sont deux fois plus nombreux à avoir fait le choix d’effectuer un PhD, le plus souvent en économie ou en finance.
D’autre part, on constate que le vivier du recrutement au sein du ministère de l’Economie et des Finances est bien plus réduit en France, puisque près de la moitié des grands « commis de l’Etat » sont passés par Sciences-Po et un tiers par l’ENA ; et que si l’on additionne les Grandes Ecoles d’ingénieurs parisiennes (X, Mines Centrale), il ne reste - que 38,6% % de personnes à n’être pas passées par ces écoles parisiennes élitistes. Cela veut dire, en d’autres termes, que 61,4 % des dirigeants de Bercy viennent de cinq écoles : Sciences-Po, l’ENA, Polytechnique, Mines, Centrale. Où les cursus et les cours d’économie, de finance, ou de gestion y sont largement minoritaires !
Aux Etats-Unis, bien qu’il soit indéniable que certaines écoles d’élite soient surreprésentées (1 dirigeant du Trésor sur cinq est passé par Havard), on peut constater une plus grande diversité dans les institutions qui ont formé ces élites politico-administratives. Bien que les anciens étudiants de la Ivy League[12] soient très représentés dans ces administrations (un tiers a fait ses études dans ces universités), il n’y a rien de comparable avec nos énarques qui représentent les deux tiers de l’effectif étudié. Les anciens des universités de l’Ivy League sont très présents, mais le passage par ces formations ne semble pas être une exigence fondamentale pour être recruté dans l’administration publique, - la direction des Affaires étant confiée à des personnes qui peuvent avoir des trajectoires atypiques.
Un travail d’innovation bien plus restreint en France
Connue pour son héritage culturel et intellectuel, son goût pour les idées et la recherche, la France ne fait pas honneur à sa réputation avec les nominations de ses experts chargés de l’administration économique et financière, tout au moins en comparaison avec les Etats-Unis.
Cette spécificité américaine a été étudiée sous trois angles : proportion des personnes titulaires d’un PhD (doctorat) ; part des personnes passées par le secteur de la recherche (que cela soit en université ou en instituts privés, ou d’Etat) ; et part des personnes passées par des think tanks.
Comme nous le soulignions précédemment, le nombre de docteurs et de doctorants dans les effectifs français est bien moindre qu’aux Etats-Unis. Cette situation est -regrettable- si l’on considère l’intérêt des connaissances spécifiques issues d’un travail de recherche approfondi.
Plus qu’une réalité statistique, cela est répercuté de manière brutale au sein du ministère de Bercy : dans leur ouvrage Bercy au cœur du pouvoir[13], Thomas Bronnec et Laurent Fargues expliquent en effet que les économistes de Bercy issus de l’Université ont des difficultés particulières à se faire accepter par leurs homologues - de l’ENSAE ou de l’ENA.
On peut dire plus largement que le passage par la recherche peut constituer la preuve de la capacité et de la motivation de chacun à se construire une spécialité et à y consacrer toute ou une partie de sa carrière. Cela démontre aussi l’aptitude à réfléchir pendant des années sur un sujet. Bref, à devenir un expert, et non à être de simples "connaisseurs" comme le sont trop souvent certains hauts fonctionnaires en France. Ils sont 11,4% de fonctionnaires à avoir côtoyé de plus ou moins près les métiers de la recherche, alors que c’est le cas de 24,5% d’entre eux de l’autre côté de l’Atlantique.
Le troisième point – qui est probablement le plus éclairant – est celui de leur passage par les think tanks. Les Etats-Unis disposent d’un réseau solide et construit de clubs de réflexion. Ceux-ci constituent de véritables viviers qui émettent de nouvelles idées, produisent des analyses- et des études originales destinées au pouvoir politique. Leur expertise intellectuelle – et leurs importants moyens financiers – leurs permettent de conduire des travaux à même de compléter et de valider, ou de contredire, les analyses des chercheurs et des économistes fonctionnaires. En France, un quasi-monopole public s’est instauré sur l’émergence des idées, l’analyse des politiques publiques et la quantification économique. Les clubs de réflexion ne sont pas aussi puissants et peinent à être considérés comme des interlocuteurs sérieux par les autorités publiques.
Ce décalage se reflète également dans les carrières des conseillers ministériels et autres directeurs de services et d’agences. Aux Etats-Unis, il est courant de travailler et de réfléchir en "think tank" avant, ou après, avoir accédé à des fonctions administratives, ou à des conseils ministériels. Nous constatons ainsi qu’un quart des hauts fonctionnaires du Trésor et des hommes politiques qui le dirigent sont passés par des "think tanks" aux Etats-Unis ! On remarque au passage que ce sont souvent les personnalités les plus haut placées qui sont passées par ces clubs de réflexion. En effet, sur les six ministres travaillant dans le secteur de l’économie et des finances aux Etats-Unis, la moitié ont participé à des activités de "think tanks" (dont deux pour la Brookings institution, véritable foyer de réflexion pour les Démocrates).
Si nous devions pour la France appliquer de manière aussi rigoureuse l’analyse (par exemple, avoir été salarié à temps plein d’un think tank), le résultat serait sans appel : nous aurions 0% de passage dans ces clubs ! En effet, personne n’a étudié ou travaillé à temps complet dans ce type d’organisation.
Si toutefois nous élargissions quelque peu le critère, et incluions les personnes ayant été particulièrement actives dans ce milieu, c’est à dire à avoir participé au lancement, à la gestion, ou à l’administration de cette entité, nous pourrions considérer que 4,4% seulement de personnes ont fréquenté ces milieux (5).

4- Conclusions de l’étude

Les élites qui gouvernent les politiques économiques et financières de la France sont donc très différentes de celles des Etats-Unis. Les dirigeants du Trésor américain ont de manière générale un profil plus varié d’expériences professionnelles, de - formation et - de proximité avec des organismes de réflexions. Ils sont plus nombreux à avoir travaillé en entreprises, ou à l’Université, plus diversifiés quant à leur école d’origine et à la formation qu’ils ont suivie ; de plus, un certain nombre entretiennent un rapport étroit avec le monde de la recherche et de la réflexion (par l’Université ou les "think tanks").
Pour la France, il semblerait que près de 40 ans après la publication de l’Enarchie par Jean-Pierre Chevènement et deux de ses camarades de - promotion (sous un pseudonyme, évidemment !) qui dénoncent l’attribution automatique de poste clefs aux ressortissants de cette école, la haute fonction publique à Bercy n’ait guère évoluée.
Coupées aussi bien des réalités économiques que des réflexions et des idées novatrices, il semblerait que les élites qui décident des politiques économiques et fiscales en France constituent une oligarchie organisée.
Cela peut expliquer pourquoi tant de réformes économiques et fiscales en France aient fait l’objet d’autant de réticences... Et on peut se demander pourquoi une sur-administration, composée de personnes aux parcours similaires et à la sécurité de l’emploi garantie (ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis), proposerait des réformes allant dans le sens d’une plus grande liberté économique et d’une accalmie fiscale.
Plus largement, nous ne pouvons que souligner l’incohérence entre les discours politiques professés par les politiques et ce qui est appliqué dans leurs équipes. Par exemple, ils mettent en avant la diversité ethnico-sociale, sexuelle, scolaire et professionnelle, en incitant, et même parfois en obligeant les entreprises privées à ouvrir leurs équipes à la "diversité". Mais ils n’appliquent pas de toute évidence ces principes à leurs propres équipes ! Car on y trouve peu de diversités ethnico-sociales, peu de femmes, peu d’autodidactes, peu de non diplômés de l’ENA, peu de professionnels passés par le privé, peu de docteurs... etc.
Les politiques français répandent régulièrement l’idée que de bénéficier d’équipes diversifiées est l’une des conditions indispensables à la réussite. S’ils avaient raison, on comprendrait mieux pourquoi la réussite de leurs politiques économiques est aussi mitigée....
Comme l’écrivait l’économiste autrichien Ludwig Von Mises : « Dans tous les pays avec une bureaucratie bien en place, les gens disent : les gouvernements vont et viennent, mais l’administration demeure. »

5- Propositions de l’IREF

1. Instaurer des quotas de personnes issues du système privé au ministère de l’Economie et des Finances pour ce qui est postes-clés.
2. Faciliter les liens avec les clubs de réflexion privés, spécialisés dans la recherche économique et fiscale.
3. Embaucher (insérer) obligatoirement dans les services consacrés à l’environnement économique et fiscal de l’entreprise un minimum de 50 % de personnes ayant déjà travaillé en entreprise privée.

Annexe 1 : données brutes

FranceEtats-Unis
Rapport hommes FemmesH : 72,8%F : 27,2%H : 57%F : 43%
N = 114N = 114
Age moyen43 ans48 ans
N = 68N = 44
Ivy League / Grandes écoles parisiennesOui : 61,4%Non : 38,6%Oui : 33,4%Non : 66,6%
N = 114N = 111
Harvard / Sciences PoOui : 38,6%Non : 61,4%Oui : 20,7%Non : 79,3%
EnaOui : 35%Non : 65 %
N = 114N = 111
PHD / DoctoratOui : 7%Non : 93%Oui : 14,4%Non : 85,6%
N = 114N =111
Passage dans le privéOui : 25,4%Non : 74,6%Oui : 61,3%Non : 38,7%
N = 114N = 111
Durée moyenne dans le privé1,5 ans5 ans
N = 109N = 104
Passage dans une entreprise publiqueOui : 17,9%Non : 82,1%Oui : 1,8%Non : 98,2%
N = 114N = 111
RechercheOui : 11,4%Non : 88,6%Oui : 24,5%Non : 75,5%
N = 114N = 110
Clubs de réflexionOui : 4,4%Non : 95,6%Oui : 26 ,6%Non : 73,4%
N = 114N=109

Annexe 2 : Méthodologie de l’Etude

Notre analyse des profils -est basée sur la grille suivante :
France :
Toutes les équipes des ministères de Bercy ont été étudiées : Ministre de l’Economie et des Finances ; Ministre délégué au Budget ; Ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et de la consommation ; Ministre du Redressement productif ; Ministre de l’Innovation, des PME et de l’économie numérique.
En raison de son influence importante sur les relations économiques et financières à l’étranger, nous avons inclus dans l’ensemble de l’étude le Ministère du Commerce Extérieur.
Pour ces entités, les parcours des ministres et de l’ensemble de leurs conseillers officiels ont été analysés.
Nous avons -ajouté également dans le périmètre de cette étude les directeurs de services à Bercy. Ont donc été -ajoutés : Direction générale du Trésor (DG Trésor) ; Direction générale de l’Institut national des Statistiques et des Études économiques (INSEE) ; Direction des Affaires juridiques des Ministères économiques et financiers (DAJ) ; Direction du Budget (DB) ; Direction générale des Finances publiques (DGFiP) ; Secrétariat général des Ministères économiques et financiers ; Inspection générale des Finances (IGF) ; Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) ; Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits financiers clandestins (TRACFIN) ; Médiateur du crédit aux entreprises ; Services de Contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) ; Service des achats de l’Etat (SAE) ; Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies ; Agence des participations de l’État (APE) ; Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ; Médiateur des ministères économiques et financiers ; Service du contrôle général économique et financier (CGEFI) ; Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; Agence pour l’information financière de l’État (AIFE) ; Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE).
En raison de leur importance, 2 autres instances ont été rajoutées : la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) et la Direction de la Sécurité sociale (DAS).
Afin de se concentrer sur l’élite administrative de ces institutions, nous n’avons pris en compte que le directeur, ou n°1 de chaque entité. Et nous avons recherché - chaque fois les données les plus récentes et les plus actuelles.
A l’exception de deux personnes (un conseiller ministériel et une directrice de service), nous avons pu disposer d’informations très précises, vérifiées et analysables. Nous avons pu recueillir ces données biographiques en nous basant sur les "trombinoscopes" officiels, eux-mêmes issus des services du Ministère, tels que Le Guide du pouvoir (édité par Acteurs Publics) ou le Trombinoscope (édité par la Société Générale de Presse). Ces données ont été complétées le cas échant par des articles de presse et des recherches personnelles.
La base est ainsi composée de 114 personnes, dont 6 ministres, 86 conseillers de ministres, et 22 directeurs de services et agences d’Etat.
Etats-Unis :
Toutes les équipes sous l’égide du Département du Trésor américain ont été incluses dans l’étude. Nous avons retenu le Secrétaire (ministre) au Trésor américain, son Chef de Cabinet, la Ministre adjointe au Trésor (Deputy Secretary of the Treasury), le Trésorier (« treasurer), les « Under Secretaries » (3) (correspondant aux Ministres délégués français), les « assistant secretaries » (Secrétaires d’Etat) travaillant pour les Under Secretaries ou directement pour le Secrétaire au Trésor (13) et les « Deputy Assistant » assistant ces derniers (Secrétaires d’Etat adjoints) (35). En plus de ces décideurs directement nommés par le Président des Etats-Unis (« Presidential appointment »), les principaux conseillers et porte-paroles des différents secrétaires d’Etat ont été étudiés.
Nous avons également identifié les directeurs d’agences fédérales (« bureaus » orthographe américaine ? et « offices » et « inspectors » indépendants) afin de pouvoir les comparer à leurs homologues français. Nous avons fait le choix de ne sélectionner que les directeurs de ces institutions afin de bien identifier l’élite administrative -.
Les informations biographiques, récoltées proviennent essentiellement du Federal Yellow Book, un annuaire contenant les coordonnées de l’intégralité du personnel travaillant dans les départements d’Etat américains, ainsi qu’une biographie de leurs membres les plus importants (Secrétaires d’Etat et sous-secrétaires d’Etat). Nous avons complété ces recherches par la lecture d’articles de presse et par des recherches personnelles.
Sur 145 personnes initialement recensées, nous avons pu obtenir des informations fiables sur 114 d’entre elles seulement, malgré l’envoi d’un courrier électronique réclamant les données manquantes. La base est ainsi composée de 114 personnes, dont le Secrétaire au Trésor Américain, un Deputy secretary, 3 Under Secretaries, 13 Assistant Secretaries, 35 Assistant Secretaries et 13 directeurs de services et agences d’Etat.
L’écart entre le nombre de conseillers ministériels et de directeurs d’agence s’explique par la structure différente des administrations américaines et françaises. En effet, les responsables ministériels nommés par le Président américain sont souvent assistés d’une équipe très restreinte de conseillers (« counsellors » et « Senior Advisors ») par comparaison avec les ministres délégués et le Ministre français. C’est le cas du « Deputy Assistant » (sous-secrétaire d’Etat adjoint) qui occupent le rôle de Conseil auprès des Assistant Secretaries auxquels ils rendent compte. Pour la même raison, le nombre plus restreint de directeur d’agences fédérales s’explique par la volonté du gouvernement américain de réduire le nombre d’institutions en les regroupant (les bureaux du management et de la gestion de l’impôt ont été récemment regroupés).
Les données recueillies ont été collectées et analysées entre le 10 septembre 2013 et le 31 octobre 2013.

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