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Je voudrais proposer ici un long extrait d’un article du Point que j’ai trouvé exceptionnel. Il est très rare de trouver dans la presse "mainstream" des articles d’une telle qualité, tant sur le plan philosophique que sur le plan de l’analyse économique et politique. Il faut dire que l’auteur s’appuie sur un entretien avec le penseur Alain Laurent, publié il y a quelques semaines dans un dossier du Point consacré au libéralisme. Pour une fois, on peut lire une présentation du libéralisme qui restitue sa signification historique et philosophique, loin des clichés stupides qui s’étalent dans les manuels scolaires de la maternelle à l’université… A lire jusqu’au bout !
Par JEAN NOUAILHAC (Source)
Pour commencer, il y a souvent erreur sur la définition du libéralisme qui n’est ni une idéologie ni une doctrine économique, mais plus simplement une philosophie basée sur un double principe fondamental : le droit prime l’État, et l’individu l’emporte sur la collectivité, ce qui est le cas, par exemple, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Suisse. Or, en France, c’est tout le contraire : l’État est supérieur au droit, et le collectif l’emporte sur le
citoyen avec comme conséquence que le social passe avant l’économie. L’État peut même y changer le droit selon les nécessités ou les majorités du jour, ou selon les circonstances historiques. Les Américains ont la même Constitution depuis l’origine, tandis que la France, pendant la même période, a vu passer deux empires, deux ou trois monarchies, cinq constitutions républicaines, sans compter quelques régimes hybrides, comme le Consulat ou Vichy.
Cette instabilité est liée à notre histoire moderne très belliqueuse qui commence par une Révolution sanglante pour se terminer par deux guerres mondiales après lesquelles nos intellectuels d’extrême gauche n’ont rien trouvé de mieux que de participer à la création d’une catastrophe idéologique, le communisme, basé sur une dictature du collectivisme poussé à son paroxysme, dans lequel les individus comptent à peine plus que des fourmis.
De plus, nous vivons dans un curieux pays qui a su créer, au fil du temps, une nouvelle classe sociale, au sens marxiste du terme, une noblesse d’État dont les privilèges et les vanités dépassent l’entendement : les énarques qui nous gouvernent – qu’ils soient de gauche ou de droite -, ces apparatchiks à la mode soviétique, se considèrent en effet comme étant seuls capables de diriger le pays alors qu’ils sont proprement incompétents en matière économique. Non seulement on ne leur a rien appris à l’Ena sur les réalités économiques, mais ils n’ont pas eu, après l’Ena, la moindre expérience de l’entreprise ni la moindre envie d’aller voir sur place comment réussissent nos voisins et nos cousins, à de rares exceptions près. Ce qui n’a pas empêché Hollande et Moscovici d’avoir été "professeurs d’économie" (sic) à Sciences Po pendant de longues années. Pour y enseigner quoi ? L’économie administrée à la française ? Le modèle "social-démocrate" français ?
Avec la mondialisation qui demande des guerriers libéraux, et non des collectivistes fatigués, il nous faudrait plus que jamais des managers dans nos ministères, alors que nous n’y avons que de hauts fonctionnaires et des politiciens. Nous n’avons personne du bon côté, et pléthore de l’autre ! Ces énarques (de gauche et de droite), emmitouflés dans leurs certitudes et engoncés dans leur idéologie étatique, nous expliquent sans arrêt que pour s’attaquer aux déficits il faut augmenter les impôts – c’est malheureux, disent-ils, mais, selon eux, c’est de la bonne et saine gestion. Et cela conforte leur pouvoir face aux entrepreneurs qu’ils n’aiment guère. Comme les Diafoirus du Malade imaginaire, ils ne connaissent qu’une seule méthode pour "soigner" : les purges et les saignées.
(…)
Dernièrement, Le Postillon du Point (dans son numéro du 23 janvier) avait posé les bonnes questions sur le libéralisme et l’historien-philosophe Alain Laurent avait donné les bonnes réponses :
1. Le libéralisme n’est pas une idéologie, mais une philosophie qui n’a rien à voir avec la cupidité des traders et des grands patrons avides de retraites-chapeaux.
2. Notre problème principal en France n’est pas la finance internationale, mais bien nos dettes publiques.
3. "L’État providence à la française est condamné. Il va mourir de son obésité. Il est condamné économiquement, parce que, financé à crédit, il s’achève inéluctablement en féroce répression fiscale."
Alain Laurent s’étonne encore de la propagande antilibérale en France et constate qu’il est tout de même aberrant de voir "l’ultralibéralisme mis en cause dans un pays où l’État dépense 57 % du PIB". Et il ajoute : "Comment être politiquement libre lorsqu’on dépend économiquement de l’État pour son emploi, son logement, ses vacances…, comme dans l’ex-URSS." Dans un monde libéral, donc, l’État doit être ramené sous le contrôle du droit et du contrat. Il ne devrait plus pouvoir, comme il vient encore de le faire, dans un décret paru au Journal officiel le 31 décembre, remettre en cause de façon rétroactive la fiscalité des assurances santé complémentaires d’entreprise : dans un État de droit, retoquer ainsi un contrat librement consenti constitue purement et simplement un abus de droit. Le citoyen a-t-il des armes pour s’y opposer ? Non. Aucune.
Une autre particularité de la France étatique : sa recherche éperdue d’égalité, du moins dans l’attitude, les discours et les textes de nos politiciens nationaux, en majorité issus de la fonction publique. L’égalité, oui, mais pour les autres, pas pour les fonctionnaires qui sont l’exemple même d’un système social basé sur l’inégalité : les fonctionnaires sont mieux payés, travaillent moins, sont plus souvent malades ou absents, bénéficient de plus d’avantages et de privilèges, partent à la retraite plus tôt avec de meilleures pensions et surtout détiennent durant toute leur vie un vrai trésor : la sécurité de l’emploi. Ce qui ne les empêche pas, bien entendu, de critiquer en permanence "les inégalités", alors qu’ils en sont les premiers bénéficiaires.
La vraie inégalité sociale en France n’est pas entre les riches et les pauvres ou entre les hommes et les femmes, mais entre les fonctionnaires et les autres. De plus, contre l’État, en cas de problème, le citoyen ordinaire n’a pas la moindre chance. L’État, qui a créé son propre droit administratif, est à la fois juge et partie contre ses propres citoyens ! Une monstruosité philosophique ! Lorsque François Hollande et Jean-Marc Ayrault demandent aux entrepreneurs de s’engager à créer des emplois en contrepartie d’une diminution des prélèvements qui leur sont imposés, c’est encore le monde à l’envers. L’État, dans le "donnant-donnant" qu’il veut instituer, ne "donne" rien aux entreprises quand il consent à les étrangler un peu moins, et les entreprises, de leur côté, n’ont rien à donner à l’État. Elles s’efforcent de survivre dans un environnement hostile et, quand elles y arrivent, elles peuvent éventuellement créer des emplois si la conjoncture s’y prête. Encore faudrait-il d’ailleurs, si la conjoncture devait ensuite se retourner, qu’elles puissent licencier aussi facilement qu’elles ont pu recruter.
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